Trenelle-Citron, accrochée à la colline

On pourrait ne pas la voir, elle est cachée derrière la Rocade, cette cité née de rien et la force des hommes.

Depuis des décennies ils ont hissé leurs maisons jusqu’au sommet, empruntant, pour monter les briques creuses couleur de rouille, des escaliers de mauvais béton aux courtes marches. Sur des pilotis, arrachant leurs ongles à la falaise rocheuse, ils ont posé les maçonneries et taloché les enduits. La vue sur mer échappe au quartier, les pluies viennent le raviner et le soleil couchant le griller.

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En porte-à-faux

Ses maisons souvent sont des brave-la-mort. Elles sont posées sur de courts pilotis, avec des porte-à-faux, du béton mal mélangé, des fers apparents, des murs bombés. Certaines sont abandonnées, trop haut, trop loin, trop perchées. On rencontre un homme dont la grand-mère vient de déménager. On la comprend.

Plus on monte et plus on se retrouve à la campagne, dans un village. Les chemins de traverse et les voies en escaliers bordées de palissades de tôles de récupération rouillées laissent peu à peu la place aux manguiers, aux canneliers, aux tulipiers du Gabon.

Un oranger s’épanouit. On rencontre des coqs ou des oies bien serrés dans leur poulailler, et parfois un chien qui fait son méchant derrière un grillage.

Les sandragons ou les papayers s’élèvent dans de minuscules jardins bordés de pots de fleurs.

À la croisée des ruelles les fils électriques s’enchevêtrent en haut des poteaux parfois intégrés aux balcons des maisons.

Solidarités

Rue de l’Escalade, rue Pié Zicak, allée de la Croix, impasse Grosse Roche. Rue des Défricheurs, rue des Petits Écoliers, rue de l’Ancienne Source. On se prend à rêver, ces noms poétiques nous embarquent. Un chat occupe un palier, se chauffe au soleil, on ne le dérange pas.

Ce quartier est une entité, un animal étrange fait des volontés et des désirs des hommes et des femmes qui la peuplent. Le facteur y distribue le courrier, je l’imagine montant chaque matin les venelles et les escaliers les yeux vers le ciel, pensif.

Les habitants vous interpellent : « Bonne année, que Dieu vous bénisse ! ». On est content, une bénédiction si gentiment offerte ça fait du bien.

Ce favela foyalais, propre et organisé malgré ses promiscuités, a ses solidarités, sa vie associative et ses paisibles journées. On peut y prendre des cours de pâtisserie et de cuisine. On y trouve un boulodrome municipal soigneusement entretenu avec ses petits bancs accueillants, un jardin partagé que les herbes folles dévorent, le local du Club Olympique de football de Trenelle. Parce qu’il y a deux quartiers : Trenelle, qui évoque un sentier par lequel on traîne le bois coupé et, vous l’avez deviné, Citron.

Mais…

En cas de séisme tout dégringole. En cas de cyclone la pluie ruisselle et emporte tout sur son passage. Un sillon rocheux, aujourd’hui à sec, demain se transformera en torrent furieux. Il suffira d’un orage. C’est ainsi. Envers et contre tout. Trenelle-Citron existe, avec ses particularités et son originalité, terre des Hommes.

 

Texte:  Michèle Robin-Clerc 

Photos: Aurélien Brusini

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