En faisant défiler le fil d’actualité d’un groupe de voyageuses solo, je tombe sur le post d’une maman. Elle demande des conseils pour l’entretien des cheveux frisés de sa fille. Avec sa petite famille, elle part faire le tour du monde. On lui conseille un autre groupe consacrée aux femmes noires qui voyagent à travers le globe. Ma curiosité est attisée et je fais une demande d’adhésion. Qui sait, j’aurai moi aussi des conseils à demander. Quelques heures plus tard, je fais partie de cette communauté. On s’y échange des astuces capillaires, on partage des photos, conseille les endroits à ne pas manquer, on y cherche des compagnes de route, on se confie sur ses mésaventures…
Et puis je tombe sur ce post : « Dans quel pays avez-vous eu votre pire expérience de racisme ? » : La liste est longue : Inde, Maroc, France, Italie, Turquie et j’en passe. Les langues se délient sur la façon dont ces femmes ont été accueillies par rapport à leur couleur de peau. De quoi refroidir quelques-unes qui prévoyaient de visiter les pays cités. Parfois elles racontent avoir subi le racisme de touristes. Quelques semaines plus tard, nouveau post : « Coucou les filles quel pays me conseillerez-vous pour un voyage solo ? Où il n’y a pas trop de racisme.» Les commentaires ne tardent pas et on repart dans une liste de pays à éviter. L’une d’entre elles se désole qu’il faille préciser « où il n’y a pas trop de racisme » et à juste titre.
Ces posts m’ont interpellée. L’envie de voyager est freinée au même titre que de faire de mauvaises rencontres (vols, agressions…). En fouillant dans ma mémoire, quelques situations me sont revenues. Mais je pars du principe que quand je voyage, c’est pour y découvrir un pays, son histoire, sa culture… Pendant un séjour en Thaïlande, j’ai senti que j’étais… différente en tout cas à leurs yeux. Là-bas, avoir la peau noire signifierait que tu travailles au soleil, sous-entendu tu es un paysan et tu n’a pas d’argent.
Lors d’une visite du Grand Palais à Bangkok, une petite fille me dévisageait. Elle allait voir sa mère puis revenait vers moi en me pointant du doigt. Je l’observais derrière mes lunettes de soleil, un peu gênée. J’ai continué ma visite et cet épisode a vite été oublié. J’ai décidé de mettre ça sur le compte de la curiosité. Il faut dire que là-bas, tu ne rencontres pas des noirs à tous les coins de rue.
Une autre fois, toujours au pays du sourire, je demande à une femme en anglais si c’est le bon bus que je dois prendre. Elle ne réagit pas, je me dis qu’elle n’a pas entendu et réitère ma question. Elle me regarde, tourne la tête et se décale. Peut-être qu’elle ne comprenait pas la langue de Shakespeare mais son regard lui, en disait long… Là, j’ai buggué mais je n’avais pas le temps d’examiner la situation. Je devais trouver ce bus !
Je ne dis pas qu’à Bangkok je n’ai rencontré que des gens fermés d’esprit, au contraire. Mais dans le Nord, l’accueil a été plus chaleureux. D’ailleurs j’ai eu un coup de cœur pour la ville de Chiang Mai, beaucoup plus cool que l’agitation perpétuelle de la capitale.
Dans un magasin, une femme m’a frotté le bras en me disant « Beautiful ! » Surprise qu’elle agisse ainsi, enfin surtout de son geste, je n’ai pu que sourire timidement. Oui, on peut être victime de racisme en voyageant, mais je ne pense pas que cela doive être un frein pour nous empêcher de découvrir le monde, de vivre tout simplement. Où qu’on aille, il y aura toujours des gens mal intentionnés et des gens bienveillants, plus qu’on ne le pense. Nos voyages nous appartiennent et il serait dommage qu’ils soient gâchés par des remarques ou attitudes blessantes. Voyager c’est aussi s’ouvrir aux autres et tant pis si certains restent coincés dans leur tête. Et je rejoins un membre du groupe qui a tout simplement répondu à cette jeune femme : « Pense à tes découvertes futures au lieu de penser au racisme. Tu vas y vas pour prendre plaisir, pour découvrir. »