Aujourd’hui j’ai décidé de donner la parole à Valérie, une jeune Martiniquaise de 31 ans maman de deux enfants de 4 et 3 ans.
Lorsqu’elle tombe enceinte pour la première fois, elle a 27 ans, est sans emploi, et pas encore tout à fait installée dans la vie.
Aujourd’hui, Valérie est mariée, a une petite vie de famille, et est surtout sa propre boss!
J’en ai profité pour lui poser toutes les questions qui me taraudaient moi, jeune femme sans enfants (et pas trop pressée d’en avoir non plus)!
L’occasion d’avoir une conversation franche entre femmes, sans chichis ni tabous.
EST CE QUE TES ENFANTS ÉTAIENT DÉSIRÉS?
Ecoute oui et non.
Ma fille c’était dans ma tête quelque part, j’avais ce désir d’être maman.
Mais pour mon fils c’était la grosse surprise. je pensais pas avoir mon fils aussi rapidement. Je voulais un enfant dans l’idéal 3 ans après la première! Mais je l’ai eu 18 mois après…
Ça a été une vraie surprise, je n’avais pas ça en tête, et c’était pas dans mes plans.
COMMENT SE SONT DÉROULÉES TES GROSSESSES?
j’ai très bien vécu ma première grossesse, j’étais très épanouie, je rayonnais, je prenais vraiment à cœur ce rôle, que j’allais découvrir.
j’étais plutôt en confiance. Même si j’avais quelques petites appréhensions.
Après pour mon fils, ça avait été plus compliqué, forcément!
Les grossesses étant assez rapprochées, disons que je n’ai pas eu le temps de me refaire de la première.
Quand je suis tombée enceinte, ma fille avait 9 mois. Je sentais que mon corps n’en pouvait plus. D’un point de vue santé, et psychologique j’ai eu du mal à supporter.
D’autant plus que j’avais un petit bébé à coté de moi qui grandissait. Il fallait aussi que je sois là pour elle.
C’était assez difficile à vivre.
J’avais l’impression d’avoir un poids énorme sur les épaules. Je marchais mon mari me disait « redresse toi »
ET LE FAMEUX POST-PARTUM?
La chance que j’ai eu avec le post-partum de ma fille c’est que j’étais très très entourée.
Mon mari était complètement gaga, tout le monde anticipait mes moindres désirs. Je l’ai plutôt bien vécu.
Ce qui a été difficile c’est vraiment de sortir de ce rôle de maman, je n’étais que maman.
Il y a eu un moment où j’ai eu besoin de redevenir femme.
Pour mon fils, ça ne s’est pas du tout bien passé, parce que j’ai fait un baby blues. J’étais complètement à ramasser à la petite cuillère: crise de larme, démotivation complète.
J’avais l’impression d’avoir un poids énorme sur les épaules. Je marchais, mon mari me disait « redresse toi », je marchais en étant complètement recroquevillée.
J’étais perdue: comment être la maman d’un bébé, à allaiter et comment être la maman d’une petite fille qui ne demande qu’à être chouchoutée?
Et pour le coup mon mari était beaucoup moins concerné, même si il adore son fils (rires). Il s’est dit que comme j’avais bien vécu le premier post-partum, que maintenant, je savais comment faire.
Alors que non!
il fallait que je sois avant tout épanouie avant de pouvoir aider les autres à s’épanouir.
QUEL GENRE DE MAMAN ES-TU?
Disons que « I do my best », je fais de mon mieux!
C’est vrai qu’au début j’étais très investie dans mon rôle de maman, en particulier avec ma fille, avec qui j’avais une espèce de fusion: je passais beaucoup de temps avec elle, j’achetais beaucoup de choses, c’est le premier enfant quoi! Du coup je me suis mise une espèce de pression.
J’étais trop fusionnelle, et être trop c’est pas forcément bon, ni pour l’enfant ni pour la maman. Il est essentiel de déléguer. Et ça s’est révélé essentiel encore plus quand j’ai eu mon second enfant.
je fais de mon mieux, j’évite de me mettre la pression. Ça m’est arrivé par le passé, de pleurer, d’être désemparée, parce que j’avais oublié de mettre des couches dans le sac pour aller à la plage!!! Parce que je voulais être la maman parfaite, parce que je ne m’autorisais pas à faire des erreurs.
Avec mes enfants on a une relation, on est très proches. Ils sont toujours collés à moi toute la sainte journée. Je leur parle beaucoup, je leur explique tout ce que je fais, je passe beaucoup de temps avec eux.
Mais quand je ressens le besoin d’être seule, de partir, je leur dis. Généralement ils le prennent plutôt bien, ils savent que maman, elle son travail, son sport, ses copines, ses sorties!
J’ai bien compris qu’il fallait que je sois avant tout épanouie avant de pouvoir aider les autres à s’épanouir.
« j’ai dû apprendre à être maman, tu dois aussi apprendre à être papa! »
COMMENT REPARTISSEZ VOUS LES TÂCHES AU SEIN DU COUPLE?
C’est quelque chose qui a souvent mené à de très gros conflits entre mon mari et moi!
Parce que que ce soit tâche ménagère ou éducation (autre que donner des ordres, sévir, donner de l’amour), tout ce qui est organisation, école, nounou… C’était moi!
Donc il a fallu faire un reset parce que je n’avais pas de temps pour moi, parce que je m’occupais de tout sans exception, parce que mon mari tout ce qu’il avait à faire c’était aller travailler.
Il s’occupait des enfants quand je lui demandais et faisait les rituels qu’on avait mis en place: bain, coucher…
Il estimait qu’il fallait que je lui dise quand j’avais besoin de lui alors que moi je voyais ça comme une équipe, un partnership en fait. Je voulais qu’il se sente concerné!
Et je lui disais « je n’ai pas à te dire ces choses là, j’ai dû apprendre à être maman, tu dois aussi apprendre à être papa! »
Mais maintenant je le vis mieux. J’ai fini par comprendre qu’il ne réfléchit pas comme moi et qu’il y a des choses qu’il ne pourra jamais anticiper comme moi. J’ai appris à communiquer avec lui. Petit à petit il s’est bien ancré dans son rôle.
EN QUOI DEVENIR MAMAN A CHANGÉ TA RELATION AVEC TON MARI?
Devenir parents, n’a pas bouleversé ma relation avec mon mari, mais ça a remis en question nos rôles en tant que parents, en tant que couple, en tant que personnes.
Mais en réalité ça nous a surtout rapproché, ça nous a permis de créer une vraie complicité, malgré les divergences d’opinion, j’en suis heureuse.
… ET AVEC TA PROPRE MAMAN?
Mon regard de fille, d’enfant sur elle, a évolué. Je suis devenue plus patiente envers elle, j’ai un peu plus compris certains de ses choix.
Ça m’a aussi un peu éloigné d’elle, parce que je suis plus occupée. En tant que fille unique, j’étais très souvent avec elle.
Disons que cela demande plus d’organisation pour que l’on se voit. Et je mets un point d’honneur à ce qu’elle soit présente dans notre vie. Car c’est super important de garder le lien intergénérationnel, que mes enfants restent proches d’elle ,qu’ils aient une vraie relation, parce que c’est quelque chose que je n’ai pas eu avec mes grands-parents.
QUELLES SONT LES VALEURS QUE TU VEUX TRANSMETTRE À TES ENFANTS?
J’ai pas de ligne de conduite en particulier.
Mais il y a une chose sur laquelle j’insiste beaucoup avec mes enfants c’est la notion de respect: le respect de soi, le respect de ses émotions, de son corps, de son environnement et surtout des autres.
J’insiste aussi sur la confiance en soi. j’essaye les mener à ça, en forçant leur estime d’eux même, en les complimentant, en les félicitant, mais aussi en les responsabilisant.
Je pense que c’est important, de se dire que si un truc nous arrive c’est qu’on est majoritairement responsable.
Je veux qu’ils soient capables de faire des choix et d’assumer leurs choix.
Quand ils font une bêtise par exemple, j’essaye de leur expliquer que c’est parce que leur comportement n’a pas été adéquat, et qu’il y aura des conséquences.
J’ai aussi envie de leur apprendre qu’on va passer des moments difficiles, mais qu’on va les surmonter en développant notre adaptabilité. Bien sûr tout cela se fera dans le temps.
J’essaye de régler les problèmes de façon calme et réfléchie. Je ne punis pas pour punir, je ne crie par pour crier. Mais quand je ne rigole plus, je ne rigole plus, je ne suis pas non plus dans le monde de la gentillesse et des bisounours!
QUELLE EST LA CHOSE QUI TE REND LA PLUS FIÈRE?
La chose la plus géniale avec mes enfants, c’est de les voir grandir. C’est voir qu’ils franchissent des étapes, qu’ils s’expriment de mieux en mieux, qu’ils ont un sens logique, qu’ils observent.
La dernière fois ma fille m’a expliqué comment se rendre à la maison en partant d’un point A, et j’ai trouvé ça extraordinaire parce qu’elle n’a que 4 ans au final!
Et de voir que ce qu’on met en place pour qu’ils se sentent bien et grandissent, ben ça fonctionne, même si on répète 10 000 fois, même si des fois on s’énerve, on a l’impression que ça marche pas, ben si , le travail paye!
Je suis heureuse et fière d’avoir des enfants trop mignons, qui font des bêtises, qui me font rire.
Je suis aussi fière d’être devenue plus patiente.
A CONTRARIO QU’ELLE EST LA CHOSE LA PLUS RELOUE?
La chose la plus difficile pour moi c’est d’être constamment un gendarme, parce que je suis quelqu’un d’hyper cool, mais punir tout ça… Ça m’énerve, mais je n’ai pas le choix, c’est pour leur bien.
Ce qui saoule aussi c’est d’apprendre à lâcher prise sur les choses, sur lesquelles j’ai pas de contrôle… Mais bon!
ARRIVES-TU À TOUT CONCILIER? VIE PRO, PERSO?
Comparativement à ma mère, je ne vis pas que pour mes enfants et mes enfants ne sont pas ma seule raison de vivre. J’ai mis des enfants au monde, ce n’est pas que pour moi. c’est pour qu’ils deviennent des adultes et se débrouillent sans moi.
Je mets un point d’honneur à avoir ma vie de femme, faire ce que j’ai envie de faire, trouver le temps de le faire.
Et aussi aller jusqu’au bout de mes ambitions professionnelles; même si quelque part j’ai dû un peu les rogner, car mes enfants sont encore petits. Chaque chose en son temps.
Ma vie de maman, j’essaye de la vivre à fond, de profiter au max de mes enfants, car tout ça passe vite. Je dis souvent « Mais mon Dieu j’ai l’impression que c’était hier que tu étais un bébé. »
je suis souvent avec eux, mais je passe souvent du temps seule, seule avec mari, seule sans mari, seule avec mes enfants, seule avec chaque enfant.
Il n’y a pas de maman parfaite, et si une maman dit qu’elle a du mal à gérer ses enfants je pense qu’il faut écouter cette maman sans juger.
TU TE PLAINS SOUVENT DES « MÈRES PARFAITES » SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX …
Je babille beaucoup sur les réseaux car je trouve qu’on ne dit pas assez que des fois on est paumées, et on a le droit de l’exprimer.
Il n’y a pas de maman parfaite, et si une maman dit qu’elle a du mal à gérer ses enfants durant le confinement par exemple…) je pense qu’il faut écouter cette maman sans juger.
Et le problème avec les réseaux sociaux c’est que j’ai l’impression que tout le monde a envie d’être la version la plus parfaite, de ce qu’il a envie d’incarner.
On veut être la maman parfaite, qui a la solution à tout, qui est tout le temps hyper positive. Et ça rend triste certaines mamans. On a envie d’inspirer, mais inspirer c’est montrer aussi qu’on est vulnérable, c’est montrer ses failles.
Car la maternité c’est pas toujours avoir des solutions, c’est être souvent découragée, c’est se demander si les enfants font pas exprès de nous embêter alors qu’on sait que c’est pas vrai!!
On a besoin d’authenticité, qu’on arrive à se reconnaître, pour voir qu’on n’est pas parfaite, et se dire « Je ne suis pas la seule et tant mieux ».
après réflexion je me dis que mes enfants sont arrivés DANS MA VIE au bon moment.
AS-TU DES REGRETS?
Je n’ai pas de regrets vis à vis de la maternité, car après réflexion je me dis que mes enfants sont arrivés dans ma vie au bon moment.
Je regrette peut-être de pas avoir foncé plus tôt au niveau professionnel, de ne pas m’être assez fait confiance, mais ce n’est pas quelque chose qui n’est pas rattrapable.
Etre maman ça m’a appris la patience, l’adaptabilité, et le courage.
AU FINAL, QUELLE FEMME ES-TU AUJOURD’HUI?
Je suis une jeune femme ambitieuse, vulnérable déterminée… et vulnérable. (rires).
Je ne suis pas que maman, je suis aussi une femme qui a envie de réussir, qui a mis de gros gros objectifs en face d’elle et qui fait tout pour y arriver et qui essaye de les adapter à sa vie familiale.
En fin de comptes, je suis contente de tout ce par quoi je suis passée. Tant mes accouchements horribles, ma dépression post-partum, que mes deux dépressions personnelles. Être maman ça m’a appris la patience, l’adaptabilité, et le courage. Toutes ces choses m’ont élevée, m’ont fait grandir et j’en suis consciente.
« Je sais que je suis une warrior. »