On la connait en tant que styliste-modéliste, et plus particulièrement comme créatrice du costume de Ambre Bozza, miss Martinique 2019, au style Matador revisité. En cette période de crise sanitaire, Krystel Markos a décidé de réaliser des masques en tissu. Pour le fun, mais pas seulement.
Créola : Le port du masque anti coronavirus fait désormais partie des mesures barrières. Vous n’avez pas attendu les recommandations de l’Académie de médecine pour commencer à en fabriquer, pourquoi ?
Krystel Markos : J’ai eu l’idée d’en réaliser pour satisfaire une demande compte tenu de la pénurie de masque que tout le monde connait. J’ai commencé à en réaliser pour ma mère : le port du masque lui avait été recommandé par son médecin traitant, avant la période de confinement. Puis comme j’avais encore quelques chutes de tissus, j’en ai réalisé pour moi, en protection, en prévention. Ensuite, ce sont mon père, ma sœur et des amis proches qui ont bénéficié de mes créations. Puis j’ai posté des photos de mes masques en tissu sur les réseaux sociaux ce qui a, progressivement, intéressé des personnes qui souhaitaient protéger leurs familles et eux-mêmes. J’ai fait des masques pour des enfants de tous âges : bébés, enfants de 5 ans, etc.
C. : A qui sont destinés vos masques… ?
K.M. : Mes masques en tissu sont vraiment destinés à tous. Ils évitent la projection de postillons ou d’en recevoir dans le visage. Les porter fait partie des gestes barrières pour soi et pour les autres. J’ai aussi été contactée par des amis qui étaient dans le corps médical, au CHU, des aide soignants, des urgentistes. Puis ça a été des policiers municipaux et nationaux, des gendarmes. Ensuite j’ai été contactée par des gérants de station-service qui souhaitaient protéger leurs employés. Pour des volumes de 20 à 30 masques par station. J’ai mis à disposition mon savoir-faire et mon temps pour pouvoir réaliser tous ces masques.
C. : Vos masques sont-ils aux normes recommandées ?
K.M. : Oui, bien sûr. Avant de me lancer dans leur fabrication j’ai dû faire des recherches, me documenter, sur les normes, les matières à utiliser, j’ai beaucoup lu sur le sujet, je me suis référée aux modèles et au cahier des charges de masques de différents hôpitaux notamment celui de Grenoble. Je me suis appuyée en particulier sur l’analyse d’une ingénieure textile qui conseillait les matières à utiliser : filtrantes, respirantes, à utiliser ou non sur le visage… le masque posé à même le visage, doit procurer un minimum de bien-être.
C. : De quoi sont-ils faits ?
K.M. : Ce sont des masques en tissus et élastiques. J’utilise du tissu en 100% coton – aux mailles très resserrées compte tenu des recommandations-, en deux à trois couches en fonction de l’épaisseur de mes matières. Ils sont raccordés à des élastiques de 0,4 mm qui passent juste derrière les oreilles. Quand je serai à cours de ces deux matières premières, j’utiliserai du biais (NDLR : bande de tissu coupée dans l’oblique puis pliée.) Avec lequel je pourrais effectuer de longs lacets pour les nouer à l’arrière de la tête. C’est moins pratique que les élastiques qui passent derrière les oreilles, mais si je suis à cours d’élastiques, ce sera mon plan B.
C. : Le port de ces masques pourrait devenir obligatoire pour tout le monde, cela conforterait votre démarche ?
K.M. : J’ai toujours eu la conviction que le masque contribuait aux gestes barrières : porter un masque sur le visage évite d’y porter la main directement, donc évite toute contamination. Il est essentiel. Je souhaitais qu’ils recommandent le masque ou le rendent obligatoire afin de ralentir l’épidémie. Le port du masque a été beaucoup controversé, mais dès le départ, j’avais l’intime conviction qu’il contribuerait à stopper ou du moins ralentir le virus. On le voyait déjà ailleurs, notamment en Asie ou dans certains pays d’Europe, avec le port du masque obligatoire (comme au Vénézuela).
Moi au début j’ai entendu que ce que je faisais ne servait à rien, que le masque est inutile, mais je n’ai pas été découragée, j’ai continué sur la même lancée. Je réalise des masques depuis le 14 mars et à l’annonce du confinement, j’étais heureuse de joindre l’utile à l’agréable en respectant le confinement et en travaillant pour la nation.
C. : Vous êtes styliste de formation…est-ce pour cela que vous avez voulu qu’ils soient beaux en plus d’être utiles ?
K.M. : C’est vrai que ma profession de styliste m’incite à joindre l’utile à l’agréable. Avec le masque on ne voit plus les expressions du visage, les attitudes, on voit juste ce morceau de tissu qui vient barrer toute communication. J’ai voulu réaliser des masques plutôt fashion, colorés et pop, ludiques parfois, afin de communiquer autrement, pour égayer cette crise morose. Donner un peu de peps à l’atmosphère. C’était un choix personnel la situation était suffisamment triste et anxiogène : j’ai voulu mettre un peu de couleurs dans tout ça. Le masque pourrait être le nouvel accessoire de mode tendance du moment, il pourrait être de plus en plus original et innovant. Pour ma part, en tant que Fashion designer comme il se doit, j’ai décidé de pousser ma créativité encore plus loin en réalisant une petite série inédite de masques haute couture signé Krystel Markos, juste pour le fun, je communiquerai bientôt dessus sur mes réseaux sociaux.
C. : Quels sont vos projets en dehors de la fabrication de ces masques ?
K.M. : Avant le confinement, je travaillais sur un projet de tournage d’un film. Si je n’avais pas eu l’opportunité de réaliser ces masques, j’aurais profité du confinement pour travailler sur les tenues de ces personnages. J’ai aussi plein d’autres projets. Mais je ne vois pas le temps du confinement passer, ni les jours, ni les nuits blanches, ni les semaines, tous les jours se ressemblent car je suis toujours derrière ma machine. C’est extrêmement lent, long. C’est dur , difficile de faire les mêmes actions de façon répétitive à la chaine. Et là je ressens la fatigue. J’ai mal aux doigts à force de couper le tissu… je vais effectuer quelques pauses durant mon confinement et me mettre à travailler sur d’autres projets et notamment sur le design de pièces innovantes et accessoires que j’envisage de réaliser. Et aussi travailler sur ce projet de tournage.
C. : Réaliser ces masques est-elle l’occasion de préparer un « après Coronavirus » ?
K.M. : Nul ne sait quand s’arrêtera cette pandémie. Toutes les entreprises, petites, grandes ou moyennes seront impactées, de façon parfois dramatique. Du coup il faut réfléchir à un après coronavirus, car plus rien ne sera comme avant. Donc oui j’y pense fortement. Pour moi, produire le maximum de masques est l’occasion de préparer le déconfinement, de prévoir « l’après » crise. Réaliser ces masques pour tout un chacun me permet aussi de me faire connaître auprès de nouvelles personnes et me créer un nouveau cahier clientèle. En tant qu’indépendante, je suis forcée de penser autrement, car sans commande pas de rentrée d’argent. Mais les factures doivent être payées, crise sanitaire ou non. Alors effectivement, c’est une opportunité que je saisis, je sers la nation tout en restant confinée chez moi en effectuant ma passion.
J’ai aussi la satisfaction que chaque masque réalisé contribue à sauver des vies, même si ça ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan, j’aurai tout de même la satisfaction d’avoir été utile à cette cause de lutte contre le COVID-19.
Contact pour se procurer ses masques : krystelmarkos@gmail.com
Crédits : Photographe : Jameson Comier/MakeUp : Bénédicte Guillaume/Stylisme : Krystel Markos 😉 Lieu : Case Pilote