Noël. « Une pensée universelle et cosmique »

Marasme, morosité, l’année 2020 a été riche en non événements et cascades de blocages. Entre un virus impossible à détecter mais dont la menace plane au dessus de nos têtes et injonctions à répétition, de plus en plus difficiles à accepter, nos capacités d’adaptation et de résilience sont mises à rude épreuve. La période des fêtes serait l’occasion d’une trêve pour un retour aux valeurs essentielles. Comment vivre au mieux ce moment important pour tous malgré les restrictions ? C’est la question que nous avons posé à un médecin et à un psychologue. Et leurs réponses nous ont plutôt remonté le moral. Nous espérons qu’elles vous apporteront le même réconfort.

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Propos recueillis auprès de Carolle Chatot-Henry, médecin 

 

Créola : Pouvez-vous rappeler pourquoi la Martinique a été le seul département d’outre mer à devoir se soumettre au confinement ? 

Carolle Chatot-Henry : Quand le président de la République a fait l’annonce d’un deuxième confinement, la Guadeloupe voyait son taux de contamination baisser (après un pic mi-septembre) alors que la Martinique vivait une vague « submergeante ». Le seuil d’alerte était alors largement dépassé avec un taux d’incidence augmenté de 25% et un taux d’hospitalisation augmenté de 21% par rapport à la semaine précédente. C’est cette courbe ascendante qui a imposé le confinement en Martinique, dans une période où dengue et grippe saisonnière frappaient également.

Le 3 novembre, 661 cas se sont révélés positifs sur les plus de 4000 testés. Le seuil d’alerte était ainsi dépassé pour la quatrième fois consécutive, ce qui a justifié le maintien de la Martinique à un niveau de vulnérabilité élevé. Sans oublier le contexte spécifique du territoire où d’autres viroses s’expriment et où le taux de maladies chroniques est important, dont la drépanocytose.

C. : D’où est venu ce boom des chiffres alors que jusque là ils semblaient stables ?C. C-H. : Le dépistage est aujourd’hui beaucoup plus accessible avec l’obligation pour les cas contact de se faire dépister. Sur les 71 clusters répertoriés sur le territoire, la moitié est issue du milieu professionnel faisant craindre une dissémination virale rapide et non maitrisée.

C. : Sait-on à présent mieux comment se transmet le virus de la Covid 19 ?            C. C-H. : On connait les modes de contamination depuis le début de l’infection à savoir les gouttelettes (toux), les surfaces infectées et les aérosols (suspension dans l’air).

C. : Sous le soleil, nous vivons davantage à l’extérieur, ou les fenêtres grandes ouvertes, nous devrions avoir moins de risques de nous contaminer ?                   C. C-H. : Il a été rapporté que l’affaiblissement de la Covid pourrait être lié à une atmosphère chaude, humide et sous les rayons de soleil (National Biodefense Analysis and Countermrasures Center). On a aussi parlé de saisonnalité pour expliquer les différents pics avec une transmission moindre durant la saison estivale. D’ailleurs de façon expérimentale l’augmentation de la température et de l’humidité diminue la survie du SARS-CoV-2.

C. : Le confinement est il la seule solution pour venir à bout de ce virus ?             C. C-H. : La solution est le traitement donc le vaccin… passant aussi par l’éradication du virus ou l’immunité de l’individu.

 

L’esprit de Noël est bien vivant !

C. : Peut on espérer que la situation sanitaire soit assez bonne pour permettre de « sauver » Noël et de passer les fêtes en famille déconfinée ?                                C. C-H. : L’espoir est important… mais je ne peux me substituer au conseil scientifique qui décrit un virus tenace et bien présent au-delà des mois à venir.  Noël n’est pas à sauver, à proprement parler, car c’est une période de prière et de recueillement à l’origine… Et ce n’est pas un confinement qui l’entravera, bien au contraire. Le sapin ou le filao, les guirlandes ou les lumières, les boudins, les accras de morue, le jambon, les pois d’angoles… voire la bûche resteront accessibles. Et le chanté nwel – même à 6 personnes – maintiendra l’essentiel de la fête car l’esprit de Noël est bien vivant !

C. : Ce deuxième confinement semble moins suivi que le premier ?                          C. C-H. : Ce deuxième confinement a été plus souple que le premier puisque l’école était maintenue jusqu’au lycée, l’activité salariée également si le télétravail n’était pas possible. De même pour les formations (déjà débutées) imposant une régularité dans une activité physique par exemple (préparation de diplômes d’état de maître-nageur ou autres orientations sportives). Ces paramètres ont assoupli notre conditionnement et donc notre ressenti.

C. : Les personnes comprennent-elles que leur santé est en jeu ?                           C. C-H. : Il est difficile d’envisager qu’une nanoparticule invisible puisse nous ébranler tant que nous ne sommes pas confrontés à la maladie. Des habitudes de vie néfastes (alcool, tabac en excès) sont compréhensibles car tangibles en tant que facteurs jouant sur le capital santé. Un virus que l’on respire est moins maîtrisable, plus aléatoire donc moins cernable pour notre état de santé. Quand on est bien portant, on a peut-être aussi un sentiment d’invincibilité renforcé par les comportements inadaptés de certains personnages médiatiques, d’informations erronées diffusées par la presse et parfois d’une cacophonie de nos dirigeants.

C. : L’esprit de Noël peut il toujours être présent dans ces conditions ?                 C. C-H. : Il reste le même -si nous avons la chance de ne pas avoir perdu un être cher- : l’amour à partager, l’ambiance magique de donner, l’authenticité des relations, une multitude de facettes pour construire une douceur de vivre dans la vérité, d’être auprès des siens. Un de mes Noël les plus marquants a été celui fêté avec ma fille ainée au Népal. Nous n’étions que deux Européennes à plus de 2400 m dans un village isolé de l’ethnie des Tamang près de la frontière tibétaine. Aucune église, aucun chrétien… et une eau gelée pour planter le décor (plus que basique) ! Pourtant une petite bougie a été allumée pour rejoindre cette pensée universelle et cosmique liée à la magie de Noël.

 C. : Comment vivre cette période de Noël avec le moins de frustration possible et en prenant soin de sa santé ?                                                                                     C. C-H. : Décorer la maison, fabriquer ou acheter des « petits » cadeaux, chanter les cantiques, converser via la technologie avec la famille lointaine, regarder des émissions de Noël, préparer un repas traditionnel… Faire vivre et incarner les valeurs de Noël ! La foi, la croyance, la magie nous mettent à l’abri de la frustration car l’idée de partage reste au cœur du chemin de la vie.

Le bonheur, tout un programme

C. : Les exercices à faire, éventuellement ?                                                               C. C-H. : Garder la forme physique rejaillit sur l’équilibre mental. Quelle que soit l’activité corporelle chez soi, elle sera la bienvenue comme la danse, quelques mouvements de gymnastique, le vélo d’appartement… mais aussi la méditation, la relaxation, sans oublier l’évasion cérébrale par des jeux de société, de logique et l’éternel bouquin sur la table de chevet. Revivre les moments heureux que les albums photos véhiculent. Faire une promenade d’un km autour de la maison est aussi salutaire. Pour ceux qui sont intéressés, il y a même des enseignements pour vivre de façon positive avec différents modules dont la psychologie positive, le yoga du rire, l’intelligence émotionnelle… Tout un programme de « positivologie » avec des outils et techniques en matière de bonheur et d’enthousiasme !

C. : Ce qu’il faut éviter de faire ?                                                                                C. C-H. : Ruminer ou vivre sous l’influence de pensées négatives. Les médias participent au contexte anxiogène de l’époque, donc ne pas rester rivés les yeux sur l’écran. Il existe par contre un journalisme positif qui se veut « constructif » et valorisant les initiatives d’optimisme. « Construire un autre monde… pas à pas » est d’ailleurs leur logo.

C. : Comment s’y préparer avec calme et sérénité ?                                                 C. C-H. : Faire confiance à la science qui a toujours répondu de façon positive même aux plus grandes épidémies meurtrières. La peste, le choléra, la grippe espagnole… et bien d’autres sont derrière nous aujourd’hui pour les pays dits émergents. Penser que le futur ne nous appartient pas : alors vivons le présent avec la joie d’être en bonne santé si c’est le cas… Une des plus grandes richesses ! Sachant que Noël sera toujours cette fête magique, de partage et de don.

 

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