AUDREY: INFIR-MÈRE

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Quand j’ai commencé à travailler en tant qu’infirmière, je me rappelle que mes collègues plus anciennes me disaient :
« Tu projettes de faire du libéral ? fais ton gosse avant !”
Ou encore « Tu aurais dû faire ton enfant avant de commencer le libéral… »

Je n’ai jamais compris cette mise en garde, jusqu’à ce que je devienne moi même mère…

Je suis Audrey, infirmière depuis l’âge de 21 ans et mère d’une petite fille de 3 ans.

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LES AUTRES EN PASSION

J’ai toujours su que je serai infirmière.

Ma mère disais que petite déjà je disais que je voulais faire un métier où je pourrai être les jambes de ceux qui ne peuvent pas marcher, et prêter mes bras à ceux qui n’en ont pas !

Mais la révélation s’est faite à l’âge de 8 ans, quand mon grand-père était hospitalisé et que je venais à son chevet.
Je voyais les infirmières, je les regardais prodiguer les soins avec admiration.

Et c’est ce que j’aime dans mon métier : prendre soin des gens. On est dans une société assez égocentrique. Etre infirmière c’est être tournée vers l’autre, faire passer l’autre avant soi.

Le contact avec les patients, leurs petites attentions, leur reconnaissance (parfois !) c’est pas grand chose, mais pour moi c’est la plus belle des récompenses et ça vaut tout l’or du monde !

@audrey_pee

UNE GROSSESSE SURPRISE

L’annonce de ma grossesse a été une surprise, un choc.
Je préparais mon retour en Martinique afin d’y exercer en libéral, le contexte était particulier, je n’étais pas prête, le père… encore moins.

J’étais perdue.

Et puis ma fille est arrivée…

J’étais heureuse, mais ça a été une période très très compliquée. J’ai fait un mini baby blues, juste après l’accouchement, et bien sûr, je n’ai pas vraiment pu profiter de ma fille.
Car j’ai eu un congé maternité, d’un mois !..
Je n’avais pas le choix. C’est comme ça quand on est infirmière libérale.

Qui dit profession indépendante, dit que si tu ne travailles pas, tu n’as pas de rentrée d’argent ! J’ai donc dû faire en sorte de reprendre le travail le plus vite possible.

J’ai dû laisser mon enfant avec ma maman au bout d’un mois de vie, et reprendre le boulot alors que j’avais encore des montées de lait !

C’était compliqué, mais dès le début je savais que c’est comme ça que cela se passerait pour moi, je savais ce qu’impliquait mon métier.

Cela ne m’a pas empêché d’avoir parfois des coups de mou :

Des fois, j’allais chez des patientes qui étaient en post-partum, je les voyais avec leur bébé, en congés maternité alors que moi, je pissais encore le sang!

C’était un peu stressant mais d’entrée avec ma fille, j’ai tenu à créer une relation où l’on aurait des liens très forts malgré la fréquente distance physique.

Il fallait faire en sorte que chacune de nous ne souffre pas trop de la séparation au quotidien. Nous avons dû trouver un équilibre.

J’ai mis en place toute une organisation afin de ne pas ressentir de culpabilité vis à vis de ma fille.

 

UNE GARDE ALTERNÉE

Je n’ai jamais réellement eu peur car j’ai une famille très soudée, je savais que je pouvais compter sur les grands-parents de ma fille.
Et je n’ai pas peur de demander parce que je sais que j’ai un boulot qui fait que je pars tôt je peux rentrer tard, je vais devoir dépendre des autres.

Les gens qui m’avaient dit en amont “Audrey si un jour, tu as besoin je suis là”, ils ont été là pour moi le moment venu !

  • Ma mère, pierre angulaire de cet équilibre

Et celle qui a toujours été là, c’est bien ma maman !

Je me rappellerai toujours de ce jour :
J’étais assise dans le jardin. Je fumais sous un manguier chez ma grand-mère. Oui je fumais. Je te cache pas que j’étais tellement mitigée, stressée, que je fumais, parce que dans ma tête, je n’allais pas garder le bébé. Jusqu’à la dernière minute je me suis dit “je vais avorter”.

Mais ma mère est arrivée, je n’oublierai jamais cette scène.
Elle m’a dit “je sais que tu réfléchis à le garder ou avorter, je ne te dirai qu’une phrase, elle fera son petit bonhomme de chemin et tu décideras de ce que tu feras : sache que si tu réfléchis par rapport à ton boulot, sache que je te ferai la promesse que je serai le père de ta fille. »  (sous entendu: garde alternée)

Ca a été le déclic, au moment où elle m’a dit ça elle avait même pas fini sa phrase, j’ai écrasé ma clope, je lui ai donné le paquet et l’aventure commençait !

Ma fille a 3 ans et ma mère a tenu parole.

  • 3 jours sur 7

Au final, je garde ma fille avec moi pendant mes jours de repos (3 ou 4 par semaine) et ma mère, les autres jours.
Au début, je la déposais tous les jours à 4h du matin, mais elle était désorientée.
Je me suis dit “je ne peux pas faire une méchanceté pareille à un enfant ! la faire vivre le même rythme que moi ! » Donc j’ai vite arrêté !!!

 

CRÉER UNE NOUVELLE NORMALITÉ

Ce qui me fait plaisir, c’est de voir que ma fille est aussi contente d’aller chez mamie, que de rentrer à la maison. Je ne suis pas dans sa tête, mais je n’ai pas l’impression qu’elle vive mal cette séparation.

Quand on lui demande « elle est où ta maman ?”, elle répond “Maman travaille, elle est allée acheter de l’argent”. Elle sait que je ne l’ai pas abandonnée !

Car très tôt j’ai tenu à lui expliquer les choses avec des mots très simples. Je lui ai expliqué que maman guérit les bobos, pas à l’hôpital mais qu’elle guérit les bobos dans les maisons, et qu’elle ne peut pas venir dans les maisons avec maman, elle doit rester chez mamie.

Dès le départ, je lui ai tout expliqué !
C’était tellement important pour moi quand j’ai eu ma fille, qu’elle ait le moins de séquelles possibles. Je ne voulais pas qu’elle me dise en grandissant “Tu n’étais jamais là”.

Je me suis dit que peut être en lui expliquant en amont ça pourrait améliorer les choses ! Peut-être ! Je ne sais pas, l’avenir nous le dira ! Je me dirai que j’ai essayé !

 

UNE COMPLICITÉ MÈRE/FILLE

J’essaye d’avoir des moments de qualité quand on est toutes les deux. Je planifie ma semaine pour passer de bons moments avec elle.

On fait beaucoup d’activités : cheval, plage, restaurant. Au resto, elle est assise avec moi, là elle se sent grande hein, elle est en face de moi, elle mange avec son couteau et sa fourchette !

Je l’emmène faire du shopping, mais je suis carrée, je lui dis “écoute maman a 50€ pour toi dans ce magasin, tu choisis ce que tu veux mais maman n’ira pas au delà »!

Oui elle n’a que 3 ans, mais elle comprend qu’il y a une limite de prix au moins (rires)

On fait à manger ensemble, de la peinture à condition qu’elle nettoie tout après ! Entre nous c’est donnant donnant, je lui fais plaisir et elle me le rend plutôt bien !

C’est vrai que par rapport à notre situation, je partage des moments plus forts avec elle, cela n’empêche que souvent en deux jours, elle a bien le temps de me gonfler! (rires)

@audrey_pee

FIÈRE

Ma fille si tu la vois, c’est un roc! Elle a déjà une force de caractère, une façon de te regarder, une façon de parler !
J’ai des copines qui me disent “Audrey ça, ça c’est le fruit de ton travail”, et d’une façon, ça me fait plaisir !

Je lui ai appris que quand tu tombes, tu te relèves. Si bien que même quand elle tombe en réalité, juste un regard entre nous, et elle comprend qu’elle peut se relever seule, qu’elle n’a pas forcément besoin de moi, car malheureusement je ne pourrai pas tout le temps être là !

Bien sûr il y a des gens qui n’aiment pas ma façon d’éduquer ma fille, j’estime que chacun éduque son enfant comme il veut et comme il peut.
Moi, j’ai éduqué ma fille de la manière qui me semblait la plus judicieuse pour qu’elle souffre le moins possible de mon absence, et pour l’instant cela semble fonctionner.

 

Etre mère et infirmière libérale, c’est beaucoup de contraintes. On ne fait pas ce qu’on veut comme on veut. Faire un deuxième enfant par exemple. J’aimerais avoir un petit garçon, mais ça demande une organisation.

Et puis, ce serait bien d’avoir de vrais congés maternité, avec les finances qui suivent afin d’être auprès de notre bébé sans être stressées.
Parce que les aides qu’on reçoit c’est n’importe quoi !

Le métier d’infirmière libérale est beau, mais parfois ingrat. C’est difficile de construire une famille, mais pas impossible, cela demande juste un peu (beaucoup) d’organisation !

@audrey_pee

Merci à Audrey, cette super-héroïne du quotidien pour son témoignage à cœur ouvert et sans langue de bois.

 

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