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L’homme Créola : Ritchy Cobral

Que se passe-t-il dans l’ombre des Miss ?

Un événement autant suivi que décrié mais qui garde une popularité intacte au fil des années.

 

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Nous sommes en 1920 quand Maurice de Waleffe, écrivain et journaliste, fait naître les prémisses du concours de beauté le plus connu de France : Miss France.  Avec l’arrivée du programme à la télévision en 1986, le succès est immédiat.

Chapeauté par Geneviève de Fontenay depuis les années 80, la société Miss France gagne en prestige et en notoriété avant d’être revendu au groupe Endemol en 2002.

Chaque année, une femme est élue dans sa région pour ensuite concourir au niveau national. La Miss France partira ensuite vers les concours internationaux.

Plus récemment, le concours a essuyé quelques critiques concernant les critères de sélection des candidates : ils sont jugés trop sévères, pas en adéquation avec l’idée que le peuple français se fait de celle qui va les représenter.

Les français veulent se sentir plus proches de leur Miss. C’est pourquoi en 2022, ces critères ont été revus.

Désormais, la Miss France peut avoir plus de 18 ans, sans limite d’âge, y compris mariée, avec ou sans enfants. Une règle qui s’applique également pour les femmes transgenres, « à partir du moment où la candidate a un état civil féminin », précise Alexia Laroche-Joubert, nouvelle présidente de la société Miss France. Les tatouages visibles sont également autorisés.

Le concours se veut inclusif.

Andréa Furet, une candidate transgenre de 20 ans, ouvre le bal en devenant deuxième dauphine du concours de Miss Paris.

Aujourd’hui, en plus de révéler la perle française, cet événement permet de présenter au grand public des personnalité qui œuvre afin de faire briller cette dernière.

Un art visuel codé, rigoureux et complexe que maîtrise parfaitement

Ritchy Cobral.

Ritchy Cobral (au centre) lors d’une master class de catwalk en Pologne – © D.R.

Danseur, performer, designer, coach de catwalk, Ritchy Cobral est un artiste guadeloupéen multidisciplinaire qui cache encore beaucoup de cordes à son arc.

Le milieu artistique lui est tombé dessus dès l’âge de 5 ans. C’est à cet âge qu’il intègrera un groupe de danse traditionnel « Les Balisiers »  et ensuite « Ka Bel Ka ». C’est au sein de ces groupes qu’il a pu avoir un apprentissage ferme et rigoureux des danses des 7 rythmes du Ka et de la biguine entre autres.

« J’avais un chorégraphe de danse qui portait le nom de Lulu, plus précisément Lucien. Il n’avait aucun tact à dire ce qu’il pensait lorsqu’un mouvement n’était pas bien exécuté. J’ai eu beaucoup de chance d’être passé sous les mains de ce grand homme connu en Guadeloupe qui m’a permis jusqu’à présent d’avoir toujours un dos droit et la tête haute. » nous confie-t-il.

Entouré par une famille d’artistes, Ritchy sait qu’il fait honneur à la vocation que ses proches n’ont pas souhaité poursuivre. Il décrit sa mère comme une femme très coquette, débrouillarde, qui n’a peur de rien et qui a l’art d’avoir des idées joliment exécutées comme une sorte de directrice artistique . Son père, un homme très manuel a vraiment un talent pour créer de ses mains et sa grande sœur, partenaire de danse durant une très grande partie de son enfance. Cette dernière était aussi un peu son modèle au féminin, sa poupée grandeur nature à coiffer, maquiller et habiller.

En 2012, il quitte la Guadeloupe pour le France hexagonale. Il rejoint une école de stylisme « Le Studio Berçot » où il approfondit ses connaissances sur la mode mais aussi sur lui-même. C’est durant ces années-là qu’il découvre l’univers de « La Scène Ballroom », un espace de célébration des identités LGBTQR+ qu’il représente fièrement.

Aujourd’hui cet espace incluant la danse, la mode et différentes catégories artistiques porte un message politique fort et lui a permis de s’ouvrir, se découvrir et d’exceller sur la danse et la mode qui sont ses deux passions.

Les opportunités se sont alors présentées. On parle de collaborations avec L’Oréal, Balmain, Jacquemus, Kenzo pour ne citer que ceux-là. Il a eu des parutions dans le New-York Times ou encore Vogue Italie. Il enseigne en voyageant dans le monde et a intégré la comédie musicale de Jean-Paul Gaultier depuis 2019. Ritchy vit pleinement de sa passion.

1 – Depuis quand t’es-tu spécialisé dans le pageants walk ?

Il y a donc une démarche spécifique pour les Miss ?

J’ai toujours aimé imiter les démarches des Miss en général, mais plus spécifiquement la démarche des Miss Univers. Ce fut spontané. J’ai fait preuve de curiosité intellectuelle en les observant. Décortiquer des vidéos, comprendre et analyser ce qui peut sembler être un détail mais qui fait toute la différence !

La démarche en maillot de bain et celle en tenue de soirée par exemple ne sont pas les mêmes.

Autodidacte et fort de mes acquis à la « Ballroom » catégorie « runway», j’ai mené une réflexion autour du monde des concours de beauté.

En effet, la catégorie « runway » est un défilé Haute Couture sous forme de battle (bataille) : deux adversaires s‘affrontent sur les codes du runway.

Il faut savoir qu’il y a différentes démarches/catwalk : Ballroom, Modeling (mannequin) et Pageant Queen (Miss). Assimiler les trois n’est pas chose facile, les différencier non plus, mais à force de persévérance je suis aujourd’hui devenu un expert.

C’est un plus de savoir bien marcher, sans cela, l’élection aux niveaux communal et national reste accessible. Avec une belle présence scénique, un beau port de tête, une aura, une prestance tout est encore possible. En revanche, pour aller plus loin (au niveau international), la maîtrise du catwalk est primordiale pour l’accès au titre.

Notez bien qu’on ne cherche pas uniquement celle qui a la meilleure présence scénique. Il y a d’autres atouts tels que l’intelligence, la culture, des connaissances, un naturel qui accroche avec le public, une Miss à qui on peut s’identifier et de qui on peut s’inspirer.

Pour Miss Univers, c’est différent. Chez Miss France, on recherche une princesse alors que pour  Miss Univers, on recherche une reine. Les codes sont la femme fatale, sensuelle,  combative, assumée, celle qui a confiance en elle, qui mène un combat, défend une cause. Le catwalk est alors très attendu lors de ces concours car il doit refléter toute cette assurance sur scène. Bien évidemment les critères hors catwalk sont les mêmes que pour Miss France mais je dirai puissance 10. Il faut redoubler d’efforts pour accéder à la couronne.

Sur scène, elles doivent être comme dans un shooting photo : jouer avec la caméra, le public, le jury. Ce sont des points importants d’où la maîtrise du catwalk à l’international.

2 – Y a-t-il, selon toi, des ressources qu’une femme doit absolument avoir pour concourir ?

Oui ! Une forte estime de soi me semble être une ressource capitale avant de se lancer dans une élection. Même si cette estime peut se construire au fil de l’aventure, un prérequis comme celui-là est fort précieux face à des situations inédites et imprévues comme tomber sur scène par exemple.

Un entourage solide et bienveillant est selon moi l’autre ressource d’une Miss.

3 – As-tu des conseils pour une femme qui ne sait pas encore marcher en talon et souhaite se présenter ?

Mon conseil est de se lancer et de persévérer ! Oser, faire fi de sa peur comme quand nous étions bébé et que nous apprenions à marcher.

4 – Miss France 2024 a chuté sur scène, quelle attitude adopter ?

Il faut assumer sa chute. Il faut montrer aux membres du jury et au public qu’on reste des humains, que ce sont des choses qui arrivent, applaudir afin d’entraîner le public à encourager. On a le droit de montrer ses émotions un instant, mais il faut se relever et avancer en montrant une confiance en soi intact. Je vous assure qu’aucun point ne sera perdu !

5 – À ton avis, pourquoi y a -t-il plus d’engouement pour le concours féminin que pour le concours masculin (Mister France)?

Je pense que la médiatisation joue un rôle très important pour commencer. Nous aurons beaucoup plus d’engouement dans une élection féminine par rapport à la mise en scène, les décors, les coiffures, les maquillages, les costumes nationaux. Ces derniers inspirent beaucoup de monde dans le milieu de la créativité, sans oublier la fameuse partie des robes de soirées. Le plus intéressant est de voir le réel changement d’une candidate passant d’une jeune femme à une reine de beauté. C’est un monde très “strass et paillettes“ qui plaît autant aux hommes qu’aux femmes.

En ce qui concerne les élections masculines, nous sommes sur quelque chose de plus classique et pas mal de retenue concernant la mise en scène des tableaux des élections. Il y aura peut-être moins à commenter qu’une élection féminine.

6 – Un mot pour Miss Guadeloupe 2024 ?

N’aies pas peur, amuse toi et sois la plus naturelle possible pour toucher le cœur des français. Adresses-toi à ton public comme tu t’adresses à tes amis afin de te sentir le plus à l’aise possible. Essaies de ne pas prendre trop au sérieux cette élection et profites de l’instant présent ! Ah oui… surtout, ne cries pas sur scène (rires)!

 

Texte : Livia Millon 

Photo: D.R

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