Le nouvel observatoire volcanologique de la Martinique est un bâtiment aérien planté à flanc de morne et largement ouvert sur la mer et la montagne. Son histoire est belle et nous allons vous la conter.
À la suite de l’éruption de la montagne Pelée en 1902, un « observatoire volcanologique », une petite cabane en fait, est créé en 1903 à l’instigation d’Alfred Lacroix au sommet du Morne des Cadets, sur la commune de Fonds-Saint-Denis. C’est le deuxième observatoire volcanologique du monde, après celui du Vésuve fondé en 1841. Son emplacement a été soigneusement choisi par le vulcanologue : c’est un lieu qui n’a pas été atteint par l’éruption. Il possède de petits sismographes et un gravimètre. Rien n’ayant été observé, on le ferme quelques années plus tard, quatre ans avant l’éruption de 1929.
Après cette nouvelle menace volcanique, la construction du bâtiment de l’observatoire du Morne des Cadets est décidée et réalisée en 1935 par l’architecte Louis Caillat sur le Morne Moustin, face au Morne des Cadets mais en en conservant le nom. Il s’agit de l’une des premières constructions en béton en Martinique, à laquelle on accède après avoir emprunté l’étroite et pentue route de l’Observatoire par des volées de marches nombreuses. Il est inscrit au titre des monuments historiques grâce à son sismographe Quervain-Piccard, dont il n’existe que trois exemplaires au monde. Ce sismographe, aujourd’hui objet de musée, pèse près de vingt tonnes et l’un de ses inventeurs, Auguste Piccard, servit de modèle à Hergé pour la création du Professeur Tournesol. Ça ne s’invente pas !
L’ensemble est devenu peu à peu obsolète et remplacé par un nouveau bâtiment, inauguré le 13 décembre 2019. Son architecte, Alain Nicolas, a conçu un ouvrage très élégant qui se présente comme un volcan, avec ses rives et son cratère central, fait de deux anneaux superposés dont les escaliers de desserte s’articulent autour d’un patio central planté de palmiers. C’est un bâtiment parasismique et paracylonique et on doit à la société Sedime une structure métallique fine et légère fermement ancrée dans le sol sur sa partie avant par des bipodes. D’une superficie de 1 200 m2 au lieu des 400 m2 de l’ancien, le bâtiment comprend sur deux niveaux trente bureaux, des lieux d’hébergement et des salles de conférences. On y accède par une passerelle depuis les parkings.
Largement ouvert sur la montagne Pelée et la mer des Caraïbes, ce Centre de recherches semble bien porter son nom « d’observatoire » c’est-à-dire de lieu d’où l’on observe. Le mot peut troubler car en réalité les évènements volcaniques et tectoniques ne sont pas étudiés depuis des observatoires : ils sont surveillés par des sismographes qui portent des sismomètres délivrant des sismogrammes. Et par des satellites et des distancemètres aussi. Regarder la Pelée apprend peu de ce qui se passe dans ses entrailles. Autant que regarder la mer ne renseigne pas sur les tsunamis. Nous dirons que ce bâtiment joint l’utile à l’agréable. Il est ouvert sur l’extérieur, aérien et transparent, ce que n’était pas le cas de son prédécesseur conçu par l’architecte Louis Caillat et situé au Morne Moustin à Fonds Saint-Denis : tout de béton armé, c’était un genre de château-fort sans machicoulis, dressé face au volcan comme un guerrier d’un autre temps.
Bienvenue donc à ce bel observatoire avec vue.
Texte : Michèle Robin-Clerc
Photos : Aurélien Brusini