Rwanda: ce pays qui a fait de moi un homme …

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Hugo Rousseau a 19 ans. A l’heure où la plupart des jeunes se cherchent, ce Franco-américain entreprenant lui a trouvé sa voie. Aider les enfants de « Happy Hearts school » – une école maternelle de Kigali au Rwanda.

Sa mission: faire en sorte que ces derniers accèdent à des jeux pédagogiques. Une denrée rare. Quitte à les fabriquer « in situ » faute de moyens.

Ayant eu vent de sa courageuse démarche et de sa dévotion, l’ex Miss France Sonia Rolland, présidente de Maïsha Africa a décidé de lui confier une belle responsabilité : ouvrir une antenne aux Etats-Unis de son association et ce afin de sensibiliser les Américains aux besoins des petits orphelins Rwandais.

Rencontre avec un Tintin à vocation humanitaire.

Vous avez décidé de partir au Rwanda afin d’aider une école pour enfants située à Kigali. Pourquoi cette démarche ?

Je venais de passer mon bac au lycée Français de Los Angeles. Je ne savais pas trop quel type d’études entreprendre par la suite. Ce que je savais par contre, c’est que j’avais du temps et qu’il y a des enfants et des adolescents à travers le monde qui n’ont pas eu les mêmes chances que moi. Vous savez, je suis un Franco-Américain qui été élevé aux Etats Unis, à Los Angeles. Dans ce pays, si vous en avez les moyens financiers et intellectuels, vous pouvez accéder aux plus prestigieuses universités. J’ai découvert en faisant des recherches sur internet que certaines écoles, notamment en Afrique, manquaient de fonds ou tentaient de s’ouvrir au monde extérieur. Je me suis dit qu’à mon humble niveau, je pouvais apporter un coup de main ! En tous cas essayer !

Mais pourquoi le Rwanda ?

Ce pays était le choix idéal pour m’éloigner de ma zone de confort. La population rwandaise est marquée par le traumatisme du génocide et le pays se reconstruit rapidement avec comme vision l’idée de devenir LA “superpuissance” africaine. J’ai tout de suite été séduit par cette ambition, par cette feuille de route.

Je suis donc entré en contact avec une entrepreneuse rwandaise –Lydie Hakizima- dévouée à l’éducation des plus jeunes. J’ai eu le privilège de travailler au côté de cette visionnaire africaine dans son école maternelle.

En quoi consistait votre travail ?

Mon travail consistait à créer de nouveaux jeux pour les enfants. Le Rwanda étant un pays enclavé, les produits étrangers et notamment les jouets éducatifs ou fournitures scolaires sont difficiles d’accès. Ils sont surtout extrêmement chers. J’ai donc appelé des fabricants de jeux étrangers. Je leur ai expliqué quelle était la situation là-bas, quels étaient les besoins de l’école de Lydie mais pas seulement. La majorité des écoles locales sont des situations…

Avez été écouté par ces fabricants ?

J’ai été écouté. J’espère maintenant que cela sera suivi d’effets ! Les dons sont également les bienvenus. Ils permettront d’acheter de jeux permettant le développement de l’intelligence visuel et spatial des élèves.

Comment décririez-vous l’école « Happy Hearts school“ ?

C’est un établissement de type “Montessori“. Mais à un prix très abordable. Lydie s’investit à fond pour que ces enfants deviennent un jour les futurs innovateurs, entrepreneurs, décideurs du Rwanda et pas seulement. Mais l’équipement, comme je vous le disais, reste très limité en raison des forts coûts !

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris en posant vos valises au Rwanda ?

Déjà la beauté des paysages ! Ils sont à couper le souffle. La végétation est luxuriante et la faune sauvage préservée.

J’ai pu faire un trekking dans la jungle et observer des singes. A un moment, je me serais presque pris pour Tintin. Milou en moins ! (rires).

Ce qui m’a aussi surpris, c’est ce que j’appellerais l’’entrepreneuriat féminin. Selon le « Global Gender Gap Report » (Le rapport mondial sur la parité), le pays a été classé en 2015, meilleur endroit en Afrique pour être une femme. Ce rapport a également révélé que le Rwanda était le 6ème pays au monde où il y a le moins d’écart entre les sexes. Il faut regarder les choses en face, les pays dits « avancés » sont à la traine. Le Rwanda comptabilise d’ailleurs plus de femmes dans son parlement que nul part ailleurs dans le monde ! Cela fait réfléchir !

Comment avez-vous été accueilli là-bas ?

On m’avait conseillé de ne pas dire que j’étais Français car comme vous le savez, une plainte pour «complicité de génocide et complicité de crimes contre l’Humanité à raison de faits commis par la France au Rwanda et dans les pays limitrophes courant 1994 » a été déposée contre l’Etat français. Doit-on rappeler que l’extermination méthodique de plus de 800 000 Tutsis par des extrémistes Hutus serait dû à des armes livrées par la France au régime de l’époque ! Bref, j’ai préféré mettre en avant ma citoyenneté américaine. Les Rwandais apprécient beaucoup les « anglo-saxons ». Dans la rue, dans les magasins, les lieux de vie, les jeunes refusent de parler Français. On a l’impression que c’est une langue qu’ils ont bannie !

Et la pauvreté ?

Oui, il y en a. On ne peut pas l’occulter. Un jour, j’avais été dans un supermarché acheter du savon et du shampooing. Sur le retour, j’ai croisé un garçon d’une dizaine d’années qui m’a dit : « Tu as de la chance ! ». Je lui ai demandé pourquoi ? » Il m’a répondu en pointant mon sac en plastique transparent : « Parce que tu peux t’acheter ça ! ». Puis, il a ajouté : « Moi, dans ma famille, on ne peut pas se laver tous les jours ! Déjà parce qu’il y a des coupures d’eau. Ensuite parce que l’eau n’est pas propre. Et puis, nous avons pas toujours du savon sous la main ! ». J’ai donc fini par lui donner ce qu’il y avait dans mon sac. Je me souviens de son visage. Il rayonnait. C’est comme si, je lui avais offert des lingots d’or. Theo, c’était son nom, m’a invité chez lui. Il voulait absolument me présenter à ses parents, ses frères et ses sœurs. En arrivant sur place, on m’a dit que j’étais un saint ! J’étais gêné. On m’a ensuite posé des tas de questions sur l’Amérique et sur Trump ! Sur mon quotidien aussi. J’ai essayé d’être le plus honnête possible sans pour autant la ramener. Vous ne pouvez pas dire en effet que votre premier Iphone, vous l’avez eu à 13 ans et que vous avez pris l’avion plus d’une centaine de fois !

D’un autre côté, le Rwanda est un pays en pleine mutation. Je crois qu’en 2016, il a connu une croissance du PIB de 6% ! C’est vraiment l’un des pays d’Afrique centrale les plus dynamiques et entreprenants.

Qu’avez-vous appris sur vous-même ?

Comme je vous le disais tout à l’heure, je suis un garçon qui n’a pas connu la privation et qui n’a pas eu à se battre pour accéder à l’éducation. J’ai passé 8 mois de ma vie au Rwanda. En « bon » Américain quand j’avais un téléphone qui ne fonctionnait plus ou un vélo, je le jetais. En Afrique, j’ai découvert que tout objet pouvait avoir une seconde vie. Que rien ne se jette. On devrait prendre exemple. Un jour, j’ai vu une roue de vélo récupérée pour fabriquer un fuseau rouet. Un autre jour, ce sont des jerricans en plastique pour en faire des sacoches.

Autre option : je suis tombé dans un club de sports qui utilisait des rails de chemin de fer en guise d’haltère. C’est vraiment le pays du recyclage et du système D. Cela démontre surtout qu’avec de l’intelligence et de l’imagination, on peut tout faire !

C’est pour cela que j’ai décidé de créer des jeux innovants avec le peu de moyens qui étaient à ma disposition. En redonnant une vie a des objets et matériaux banals beaucoup peut être créé. Et au final, je peux vous assurer que le sourire des enfants qui découvre un nouveau jeu c’est la plus belle des gratifications !

A part Lydie, qui avez-vous rencontré sur place ?

J’ai rencontré un tas de personnes remarquables. Des entrepreneurs, des scientifiques, des intellectuels, des aventuriers. Des hommes, des femmes qui souvent ont échappé de peu aux ravages du génocide. L’un de ces aventuriers, Serge –fondateur de Rwagasabo Tours- m’a fait découvrir la forêt tropicale de Nyungwe. J’ai pu ainsi observer des chimpanzés dans leur milieu naturel et non dans un zoo ! Ce fut un séjour pédagogique émouvant, inoubliable et surtout une expérience qui m’a profondément transformé. J’avais 18 ans quand je suis parti à Kigali. J’avais une vision « caricaturale » de l’Afrique. Je pensais que les pays de l’Afrique de l’Est ne vivaient que « sous perfusion » occidentale. J’ai finalement compris que c’était bien plus complexe que ça. Le Rwanda est un pays qui met tout en œuvre pour accéder à son indépendance économique. Il sait que sa richesse, ce sont les jeunes et c’est pour cette raison que l’éducation est une priorité absolue. Ce qui m’a étonné le plus. C’est la solidarité poussée à son extrême. Les gens se serrent les coudes et s’entraident à tous les niveaux. Ce n’est pas un hasard si Kigali a été reconnue ville la plus propre d’Afrique. C’est grâce à la participation de chaque Rwandais. Chaque dernier samedi du mois, toutes les personnes de plus 18 ans se rassemblent pour réaliser des taches diverse . On appelle cela Umuganda et le principe c’est d’aider à la construction, la rénovation des routes dans les villages, l’amélioration des transports, des ponts ou la construction d’école. Ou bien encore la réparation ou l’installation de canalisation d’eaux, etc. Umuganda joue enfin un grand rôle dans la protection de l’environnement: planter les arbres, lutter contre l’érosion sur les collines, protéger les lacs, les rivières. Les Rwandais aiment la Nature et le lui rende bien en créant de nouvelles forêts . Même le Président de la République participe dans l’Umuganda.

Un tel niveau d’entraide est rare que ce soit en France où aux Etats-Unis. Ces expériences m’ont permis de devenir un citoyen plus responsable de retour aux USA.

Au cours de mon séjour, j’ai également fait connaissance de Sonia Rolland qui, comme vous le savez est très impliquée avec son association Maïsha Africa qui vient en aide aux orphelins du Rwanda. Sonia a été tellement touchée par ma démarche qu’elle m’a demandé de fonder et de diriger une antenne de Maïsha Africa aux Etats Unis. Et ce afin de sensibiliser les Américains sur les besoins des orphelins au Rwanda. C’est donc une aventure qui se poursuit. J’ai bien peur d’avoir été ensorcelé par l’Afrique et ne comptez pas sur moi pour chercher une cure ! (rires)

Si vous aviez un dernier message à laisser ! Notamment aux plus jeunes qui hésitent à franchir le pas !

Que toutes les personnes de mon âge qui ont décidé, comme moi, de faire une pause universitaire osent ! En tendant la main aux autres, vous en apprendrez plus sur vous-même ! Vous aurez surtout une vision du monde et du genre humain beaucoup moins limitative. Ce voyage m’a surtout rappelé un livre que ma mère m’avait offert. Il s’appelait « Out of Africa » (La Ferme africaine »). Son auteur, la baronne Karen von Blixen-Finecke avait écrit sous le pseudonyme d’Isak Dinesen : « Nous autres, Blancs, lorsque nous entrons en contact avec la population de l’ancien continent, nous oublions qu’elle a un passé que nous ignorons nous refusons de reconnaître qu’elle a existé avant notre rencontre ». Le fier Occidental que je suis est donc revenu enrichie d’une qualité : la modestie !

Propos recueillis par Karine de Jaham

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