Simone Schwarz-Bart, porteuse de temps

Il y a, chez Simone Schwarz-Bart, ce talent de conteuse et ce regard perçant que l’écrivaine tourne vers le passé et qui en fait surgir l’essentiel : les drames et la lumière.

Simone Schwarz-Bart parcourt les interstices du temps et du langage. Ce qu’elle a à dire, ce qu’elle exprime dans ses livres révèlent une incroyable ténacité, une volonté farouche de s’approprier la langue jusqu’à en extraire son propre univers hérité des ancêtres, de la terre qu’ils ont douloureusement travaillée pour enrichir d’autres hommes.

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De la souffrance, elle dira d’ailleurs : « les histoires de souffrance sont sonores, elles se racontent ». C’est l’engagement de toute sa vie. Comment Simone Schwarz-Bart s’est-elle si intimement liée à l’écriture ? « J’ai vraiment commencé à écrire à la mort d’une amie qui s’appelait Stéphanie Priccin. Elle habitait Goyave et était assez âgée. Je la visitais de temps en temps. J’ai toujours été assez fascinée par ces « morceaux de monde » que sont les personnes âgées. Pour nous, Antillais qui n’avons pas beaucoup de repères dans le temps, les générations d’avant représentent ces repères qui nous manquent. Il faut bien qu’il y ait une origine, tous les temps ont une origine. Je situais l’origine avec la génération de ces anciens qu’on vénérait à l’époque et qui étaient des porteurs de temps.

A la mort de cette amie, il a fallu que je la réinvente et c’est là qu’intervient l’écriture proprement dite. C’est ainsi que j’ai eu envie de raconter un monde qui disparaissait. » Se sent-elle, elle aussi aujourd’hui « porteuse de temps » ? « Oui, je me sens un peu, moi aussi, porteuse de temps, témoin d’une Guadeloupe dans sa phase initiale. » C’est ce que l’écrivaine fait vivre dans ses livres à travers des strates de l’histoire qui se rencontrent, se mêlent, se démêlent. Mais les hommes sont toujours les mêmes. C’est pourquoi, dit-elle : « Tant qu’ils n’auront pas changé de coeur, de vision, les choses vont se répéter, différemment, mais avec toujours les mêmes zones d’ombre et quelque part, la même lumière aussi ».

PLUIE ET VENT SUR TÉLUMÉE MIRACLE

Une flamboyante histoire, un univers à la fois profond et d’une telle justesse que ce chef d’oeuvre de la littérature caribéenne est considéré comme un des plus beaux romans du XXe siècle. Descendante d’esclaves, Télumée Miracle s’efforce de vivre sur cette terre ingrate, avec une grand-mère « porteuse de temps » et dans la survivance d’un système imposé par les blancs. « Elle représente une sorte de « permanence de l’être antillais et de ses valeurs », dit Simone Schwarz-Bart. Avec ses éternels amours, malgré le chaos, et comme toutes ces femmes qui ont fait le chemin avant elle, Télumée Miracle a décidé de vivre debout.
Pluie et vent sur Télumée Miracle de Simone Schwarz-Bart. Ed. du Seuil

Aimée Petit

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