Une crise sanitaire qui s’éternise, des confinements à répétition, l’année 2020 nous aura prouvé que nous sommes capables de changements de mode de vie radicaux. Quid de notre moral à l’aube de la période des fêtes ? Et comment vivre au mieux ces moments importants pour tous malgré les restrictions ? Carine Fleury, psychologue fait confiance à nos capacités d’adaptation. Créola : Les blessures du dernier confinement se refermaient à peine, qu’un nouveau était imposé aux populations. Comment ce deuxième confinement a-t-il été vécu ? Carine Fleury :
En mars dernier, les gens étaient sous le choc de l’épidémie, ils étaient prêts à faire des efforts, à collaborer, en pensant que tout allait se régler. Ils avaient pris leur parti, et ils ont, pour certains, réussi à faire preuve de créativité, de profiter de ce moment pour s’inventer une autre vie, etc. Mais dans ce deuxième confinement, on ne peut trouver aucune compensation. C’est comme si l’on nous avait dit : « on va vous demander un effort supplémentaire : vous pourrez travailler, mais on vous supprime tout ce qui est du domaine du plaisir. » Retour au travail, mais plus de sport, de cinéma, de théâtre, plus de liberté de circuler. On nous a demandé d’être productif, mais en nous ôtant la possibilité d’être ensemble, en accentuant la distanciation sociale. Avoir l’impression d’être pris pour des « machines à travailler » est assez violent.
C. : Quel est le pire dans ce confinement ? C.F. : Le manque de relations sociales, c’est évident. Les relations sociales, l’amitié, l’amour, soignent et guérissent. Leur manque rend malade.
C. : Les personnes se résignent elles, comprenant que leur santé est en jeu ? C.F. : Il y a de la résignation, mais elle est empreinte de colère refoulée. La colère fait monter les violences. Contre sa propre famille, avec pour certains la prise de conscience qu’ils ne la supportent plus. Ou dans la rue, lors de manifestations. Ou par des actes de désobéissance civile. Quant au télétravail, pour certains il risque également de déséquilibrer l’équilibre familial. Cette fausse acceptation -« en dépit de, à défaut de, je dois obéir » – incite le cerveau à ouvrir la porte aux virus, à développer des symptômes, des fièvres par exemple… Par ailleurs, lors du deuxième confinement, beaucoup d’informations contradictoires et incohérentes ont incité les gens à le prendre un peu plus légèrement et à moins le respecter. Cet esprit critique, voire rebelle est plutôt bon signe pour la santé mentale.
C. : Qu’il s’arrête début décembre ou qu’il continue, quel impact le confinement aura-t-il eu sur ces fêtes .
C.F. : On ressent une certaine impatience, un agacement, par rapport à l’incertitude sur la forme que prendra Noël cette année, fête familiale par excellence. La grande question sera : « Comment se rapprocher de notre famille ? ». Beaucoup de gens avaient pris des billets avec l’intention de partir en Métropole et se posent maintenant la question de partir ou pas… et inversement pour celles qui comptaient venir pour profiter d’un Chanté Noël, aujourd’hui compromis. Ce sera compliqué, mais les fêtes de Noël sont un moment très important. Les gens vont trouver les moyens de les fêter en respectant les directives. On est entré dans une ère numérique : les achats se feront par cette voie… les réunions familiales également… Ce sera un noël particulier. On vit dans la contrainte depuis plusieurs mois. Même si on s’embrasse moins, qu’on ne se réunira pas en grandes tablées, on se cantonnera à la famille nucléaire.
C. : L’avent noël, habituellement consacré aux préparatifs, est tombé dans le confinement, quelles conséquences psychologiquement ?…
C.F. : L’incertitude engendre une certaine impuissance. On ne se prépare pas vraiment. Certains achats ont été fait précipitamment avant le deuxième confinement… d’autres seront peut être faits de la même façon si un deuxième déconfinement intervient… Mais ceci n’est pas le plus grave. Les gens sont prêts à fêter noël avec les moyens du bord. C’est une fête qui réunit les consciences. Les êtres humains ont des facultés d’adaptation qui leur permettent d’inventer des cadeaux, des plats savoureux, des sapins de noël… ce qui compte c’est l’amour entre les uns et les autres.
C. : Comment définirait on l’esprit de Noël ?… C.F. : C’est une période de joie, d’amour, d’harmonie familiale. Le moment de mettre les conflits de côté pour une soirée ou quelques jours. On essaie de pacifier. On partage le plaisir, de bien manger, de bien s’habiller, de voir le plaisir dans les yeux émerveillés des enfants, c’est la fête.
C. : Si frustration il y a, d’où viendra t’elle ? C.F. : La frustration est déjà présente dans le confinement. Faire la fête, cela fera du bien malgré tout.
C. : Certains solitaires ou personnes isolées n’aiment pas cette période déjà d’ordinaire, seront-ils plus ou moins impactés par cette période compliquée ? C.F. : cela sera peut être plus facile pour eux : tout le monde sera confiné ou en distanciation sociale. Ils seront sur le même niveau d’interdit, de règles. Peut être pouvons nous attendre plus de solidarité entre voisins à noël cette année car beaucoup de personnes sont isolées. Peut être observerons nous le développement d’un esprit solidaires entre personnes privées.
C. : Comment s’y préparer avec calme et sérénité ? C.F. : supprimer les informations, néfastes pour la santé mentale. Privilégier les plaisirs, ce qui vous fait du bien. Cuisinez, bricolez, jardinez. Remettez vous à jouer d’un instrument de musique, continuez à pratiquer régulièrement un sport à la maison (yoga, danse, vélo d’appartement…), bougez votre corps. Reprenez l’habitude d‘aller marcher… Bouger corporellement va contrebalancer cette frustration et cette colère. Méditer. Ecrire ses états d’âme. S’il le faut, n’hésitez pas à solliciter médecins et thérapeutes qui continuent à exercer.
Retrouvez Carine Fleury les lundis à 10h sur radio Martinique 1ère dans l’émission de Fédérika : « mieux vaut le savoir ».