Il y a quelques semaines, j’ai eu une discussion avec mon amie Juliane.
Elle venait de poster une photo en maillot sur les réseaux. Rien de fou tu me diras, mais pour elle, c’était une révolution.
En effet, jusqu’à juin 2020, Juliane, refusait de se montrer à la plage, n’assumant pas son corps.
Je lui ai donc proposé de lui donner la parole, l’occasion pour elle de raconter son histoire, sans filtre.
MON CORPS ET MOI: JULIANE.
Je m’appelle Juliane, je suis guadeloupéenne, j’ai bientôt 30 ans. et je me réapproprie mon corps.
DÈS L’ENFANCE
Mon rapport au corps a toujours été assez compliqué. A l’école primaire, j’ai eu une poussée hormonale, trop brutale. Dès l’age de 9 ans, j’avais une poitrine énorme, et j’étais plus grande que les autres.
On s’est vite moqué de moi, mais comme j’avais un fort caractère (et que je me battais avec ces élèves), j’ai réussi à me faire respecter.
Au collège, le regard des autres a changé, ma poitrine était ce qui attirait l’œil bien évidemment, j’étais gênée, je me cachais, j’ai mis du temps à comprendre pourquoi.
J’ai compris que je n’étais pas à l’aise à cause de mOn entourage.
En effet, quand j’ai fait ma croissance, mon entourage a commencé à paniquer (ce que je peux comprendre) mais il fallait que je cache ma poitrine, que je porte des vêtements amples pour ne pas « attirer » le regard des autres.
Je me suis rendue compte en seconde, que j’étais complexée parce qu’on m’avait complexé. J’avais envie de faire comme les autres, d’être sexy malgré tout, mais il y avait une espèce de pression sur moi, exercée par mon entourage, et par moi même. Une enfant dans un corps de femme …
J’ai donc commencé à m’habiller comme je le voulais, à me faire, plaisir, à imposer mes tenues, mon style. J’avais pris conscience que je n’étais pas grosse, c’était ma très forte poitrine qui me donnait cette impression.
UN POIDS, UNE CHARGE
Bien sûr, les complexes demeurent. Cette forte poitrine me donnait une image biaisée de moi-même et surtout me faisait souffrir. J’ai fini par me faire opérer.
Cela n’a pas été facile, je refusais de le faire car c’est d’abord ma famille qui voulait que je le fasse, je me disais « je refuse de le faire, je refuse de les laisser mettre leurs complexes et peurs sur moi. » Mais la douleur était bien réelle.
A 23 ans, après cette opération, j’ai cru que tout irait bien et que je me sentirais bien dans mon corps. J’étais censée être « au top de moi-même ». J’ai suivi un programme sportif qui m’avait fait perdre 10 kilos…Mais j’ai commencé à prendre du poids.
Pourquoi?
Je menais une vie stressante, qui me faisait bouffer n’importe comment:
J’étais en France, ma famille me manquait, mes études étaient stressantes, j’étais en relation à distance avec un mec qui était toxique!
Je comblais tout avec la nourriture, mon rapport à l’alimentation était devenu de la survie. Ma seule satisfaction c’était quand je rentrais chez moi et que je savais que j’allais avoir un bon repas.
Et puis, il y a eu les hormones, les pilules, les implants… La souffrance de la femme.
J’ai fini par reprendre tous ces kilos perdus!
SEULE
Aujourd’hui, 5 ans plus tard, où j’en suis? J’en suis avec tous mes kilos.
Je fais 1,66 m et je pèse 91 kilos, ce qui est énorme.
J’ai vu plusieurs docteurs, je voulais comprendre pourquoi je prenais autant de poids. J’ai même vu une endocrinologue, c’était le truc à la mode.
Cette femme a été abjecte, elle m’a dit « de toutes façons dès que vous êtes gros vous venez voir un endocrinologue » ; je l’ai très mal vécu. (il s’est avéré que cette personne n’était même pas diplômée dans ce domaine)
Les autres médecins refusaient de voir la part émotionnelle liée à ma prise de poids. Pour eux c’était « t’es vorace, tu bouffes et tu fous rien. » Alors que j’ai toujours fait du sport, j’étais même licenciée dans un club de foot…
SELF CARE
Depuis ce jour, j’ai décidé de m’occuper de moi, seule, d’observer à quel moment je mange comprendre pourquoi je mange à ce moment précis:
– Est-ce que c’est parce que j’ai passé une sale journée et c’est ma compensation?
– Est-ce que je me félicite de quelque chose, et c’est ma récompense?
J’en suis à cette phase de prise de conscience afin d’éliminer ces petites habitudes, ces tampons émotionnels.
Je me cherche, j’essaye de trouver un équilibre.
J’ai recommencé le sport, j’en fais trois fois par semaine. Et ça me fait beaucoup de bien.
En ce qui concerne l’alimentation, je ne veux plus faire de régime. J’ai trop peur des conséquences (la prise de poids). J’essaye de manger mieux, ce qui est difficile car je vis chez mes parents et on sait que les plats de mamans…
En tous cas j’essaye de cuisiner le soir, j’ai entraîné ma famille dans cette démarche de manger des légumes le soir. Le midi je fais comme je peux…
S’AIMER
Aujourd’hui malgré mon poids, j’essaye de lâcher du lest. Je me pèse le moins que possible, j’élimine les facteurs de prise de poids au fur et à mesure.
(exemple: je faisais de l’apnée du sommeil, cela contribuait à ma prise de poids. Depuis un an je suis appareillée…)
Désormais je prends soin de moi, et même si je ne perds pas de poids de façon impressionnante, j’ai changé mon état d’esprit.
J’ai un cercle d’amis qui m’a beaucoup encouragé qui m’a beaucoup motivé et ça c’est super important. Ils me disent qu’ils me trouvent belle, que je m’habille bien.
Et c’est ça mon remède: le shopping!
Alors c’est pas bien pour le porte monnaie mais ça m’aide, trouver les bonnes coupes, se mettre en valeur, connaitre sa morphologie etc… C’est ça qui t’aide à être fière de toi à t’assumer.
MON CORPS, MON COMPAGNON
Je me regarde devant le miroir et j’aime ce que je vois, même si j’ai ces kilos en plus, même si l’IMC dit que je suis obèse.Ben en attendant mon corps c’est mon corps.
Et c’est ce que j’aimerais dire à ces personnes qui sont pleines de complexes en ce moment:
Je ne suis peut être pas la où je veux être physiquement, mais j’aime mon corps, et je remercie mon corps.
C’est celui qui me permet de vivre aujourd’hui, c’est mon compagnon,mon compagnon de galères, de souffrances, de joies, c’est lui qui me fais de vivre au quotidien et je dois le remercier et prendre soin de lui!
I ja soufè é malgré tout i la! il me tient, il me tient en vie.
Il faut aimer son corps le remercier, prendre conscience que c’est notre meilleur ami au final et s’aimer comme on est maintenant.
Parce que la vie est courte, passer son temps à s’occuper de ce que les gens pensent et disent c’est passer à coté de plein de choses.
Je m’aime, je savoure désormais le bonheur d’aller à la plage en bikini en 2 pièces sans m’occuper des gens autour…
Et c’est ce qui nous rend belle, c’est l’assurance, la confiance en soi, le sourire, ce qu’on dégage, c’est pas vraiment le physique au final.
S’assumer, apprendre à kiffer son corps, se connaitre, choisir ce qu’on aime ce qui nous va. Pour moi c’est la clé pour être bien
On voudra toujours mieux, être comme ci comme ça, mais on doit se dire « je suis comme ça, je dois m’assumer comme ça, et se regarder dans un miroir et sortir en me sentant bien. »
Je suis vraiment dans cette réflexion dans ce travail en ce moment.
Je continue à travailler sur moi, je fais du sport, mon alimentation sans pression…
Ma mère me fait encore des remarques : « ah mè ou ka fè tou sa sport mai gay ki jan ou ka manjé ». Non maman j’ai trouvé mon équilibre, je fais mon programme, je fais mon sport, mais laisse moi gérer la partie alimentation, ne me parle pas de mon corps de mon physique.
Bref, j’ai appris à me détacher de ce que les gens veulent pour moi, et à me concentrer réellement sur moi.
Merci à Juliane pour son témoignage, merci de nous avoir raconté ses doutes, ses luttes invisibles…
Nous sommes sûres que son histoire parlera à beaucoup de femmes.