Fort Delgrès, et ceux qui le peuplent

Tout d’abord « maison forte » du gouverneur Houël en 1650, d’où nous vient le Houëlbourg de Jarry en Guadeloupe, le fort Delgrès est renforcé à la fin du XVIIe siècle sur les conceptions du grand Vauban, ingénieur et architecte du roi Louis XIV. Nous allons voir comment ses diverses dénominations portent les flux et reflux de l’histoire, notamment celle de l’esclavage, à travers ses fonctions et notre symbolique mémorielle.

 

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Du haut de ses cinq hectares bordés de remparts, il offre une vue majestueuse sur la rade de Basse-Terre et la mer des Caraïbes. On imagine que l’on pouvait y voir de loin arriver l’ennemi, mais aussi les bateaux négriers.

Pendant la guerre de Sept Ans, un bombardement victorieux des Anglais, le 23 janvier 1759 leur donne la Guadeloupe. Mais l’île est rendue à la France lors du Traité de Paris et la forteresse devint Fort Royal.

Le Bastion Plat et la Poterne du Galion, le massif du volcan de La Soufrière en arrière-plan.

En 1794, durant la Révolution, la Grande-Bretagne revient quelques mois occuper de nouveau l’île papillon et l’ouvrage prend alors le nom de Fort Matilda. L’Angleterre en est chassée par Victor Hugues qui peut alors faire appliquer l’abolition de l’esclavage décrétée le 4 février de la même année par la Convention nationale.

 

En mai 1802 cependant Napoléon envoie le général Richepanse pour y rétablir l’esclavage. Le fort est alors occupé par l’armée coloniale de Delgrès et Ignace. Cette bataille, perdue par Delgrès et ses hommes, sera suivie des évènements qui feront la notoriété de Delgrès et contribueront à construire sa légende. Il se suicida en effet à l’âge de 36 ans avec 300 de ses hommes au Matouba. Louis Delgrès a marqué ainsi l’histoire par sa bravoure et sa détermination.

Général glorieux de l’Empire, Richepanse a, lui, son nom gravé sous l’arc de triomphe de l’Étoile à Paris. La fièvre jaune a raison de lui le 3 septembre 1802 et il est enterré avec d’autres dans l’enceinte du fort que Napoléon baptisa de son nom en 1803. Le LKP a saccagé sa sépulture en 2018 et demandé qu’elle soit déplacée mais le gouvernement français n’a pas donné suite à cette demande.

Sachons que le cimetière des officiers porte aussi la tombe de l’Amiral Gourbeyre qui est le grand homme de la reconstruction de la Guadeloupe après le séisme de 1843 et dont l’action apaisante aurait contribué à une mise en place réussie de l’abolition de l’esclavage en 1848. Son nom fut d’ailleurs donné à la commune de Gourbeyre en 1846 en signe de reconnaissance.

Le fort Richepanse est renommé fort Saint-Charles, appellation peu sujette à polémiques, en 1960, du nom du lieu-dit sur lequel il est édifié.

En 1989 enfin, le conseil général de la Guadeloupe, devenu propriétaire des lieux, le baptise Fort Delgrès. On y trouve entre autres le très beau mémorial Louis Delgrès réalisé par Roger Arékian, mégalithe monumental qui rend hommage à ce combattant farouche pour la liberté des femmes et des hommes de la Guadeloupe.

Ainsi le Fort Delgrès respire, face à la mer, les Alizés du large et les grands vents de l’Histoire qui a bâti sa légende. Il nous conte ce qui fut et nous propose d’écrire notre avenir en écoutant le chant des grands hommes du passé.

Le Corps de Garde
France, Caraïbes, Petites Antilles, Guadeloupe, Basse-Terre, Fort Louis Degrés, haut lieu de la lutte franco-anglaise dans les Antilles puis de celle des Guadeloupéens contre l’esclavage conduit par l’officier mulâtre et résistant Louis Degrés, classé monument historique depuis 1977. Ici le Mémorial Delgrès.

 

 

Texte : Michèle Robin-Clerc

Photos : Aurélien Brusini

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