Si de nombreux styles architecturaux (traditionnel, moderniste, post-moderniste, art déco …) se côtoient à Fort de France, le centre condense principalement des maisons urbaines créoles.
Une balade dans les rues permet de découvrir des pépites architecturales. On y remarque aussi des extensions de style plus contemporain greffées sur des constructions centenaires ou encore, des immeubles anciens en vis-à-vis avec des bâtiments récents, à l’architecture très différente et au style marqué.
La maison urbaine créole, une architecture qui vient de loin !
Un des modèles de ces immeubles emblématiques trouve son origine en Angleterre, s’est diffusé en Amérique du Nord (Nouvelle Orléans) avant de s’installer aux Antilles. Il s’agit de maisons à trois travées, bâties en série et souvent dotées de balcons en fer forgé. Après l’incendie qui ravage Londres en 1666, la reconstruction se fait selon des modèles standardisés de maisons en série (« terraces »). Très vite, ce modèle anglais se diffuse dans les colonies anglo-américaines. Vers 1820, il se répand le long de la côte Atlantique américaine et arrive à la Nouvelle–Orléans, en Louisiane, dans les quartiers anglo–américains.
Aux Antilles, le style s’impose !
Ce modèle va se multiplier dans la Caraïbe, à Saint-Pierre comme à Fort de France. Et après le grand incendie de Fort de France en 1890 et un terrible cyclone en 1891, la cité se reconstruit avec des immeubles de type américain ou créole, souvent en série. Ils finiront par devenir emblématiques de la ville de Fort de France…
Le style ressemble fort, pour son aspect extérieur, au modèle créole de la Nouvelle–Orléans : rez–de–chaussée commercial, couloir latéral débouchant directement sur un escalier menant aux étages d’habitation, cour avec fontaine ou lavoir …
L’enjeu : réhabiliter l’existant tant qu’il est encore temps
Depuis plusieurs années, le centre-ville de Fort-de-France tente une stratégie ambitieuse afin de renforcer son attractivité économique, favoriser son repeuplement (mixité sociale, culturelle et générationnelle), confirmer sa vocation de vitrine régionale …
Réveiller le cœur de ville en restant fidèle à son patrimoine
La ville a engagé un Plan d’Action Cœur de Ville. Son objectif est de rendre le centre-ville plus attractif, de renforcer sa vocation résidentielle (pour les seniors, les travailleurs, les étudiants) et d’améliorer la qualité de l’habitat. Il s’est aussi fixé des objectifs stratégiques visant à inciter et à accompagner des investisseurs publics et privés dans leurs acquisitions/rénovations avec des conseils, des recommandations et l’accès (sous conditions) à des soutiens financiers. Ainsi, la ville a défini des îlots de mutation urbaine et a entrepris des opérations qui s’inscrivent dans un même esprit spécifique. Ces « séquences urbaines » servent de marqueurs, de « démonstrateurs » pour d’autres secteurs ou quartiers. On parle ici de « rues à thèmes ». Ainsi, la rue Garnier-Pagès est dédiée à « l’art de vivre et à l’artisanat d’art ». La ville accompagne actuellement des porteurs de projets qui s’inscrivent dans ce thème.
Dans ce cadre, une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH), relancée en 2021, sera couplée à une Campagne de ravalement de façades et à une Opération de Restauration Immobilière (ORI). Sur certains immeubles identifiés, ciblés (modernistes et créoles), les propriétaires auront pour obligation d’effectuer des travaux de restauration, en s’appuyant sur des accompagnements techniques, des mécanismes financiers et juridiques mis en place par la Ville.
L’histoire dans l’histoire :
En 1763, Louis XV cède la Louisiane à l’Espagne. Malgré l’arrivée de colons espagnols à la Nouvelle–Orléans, les quartiers créoles français conservent l’architecture de la vieille ville coloniale. En 1788 et en 1794, deux incendies ravagent la ville et les maisons en bois d’architecture française n’y résistent pas. Les bâtiments se reconstruisent selon le style espagnol (en briques et sur deux niveaux), caractérisé par une cour intérieure (patio), une porte cochère et un rez–de–chaussée destiné au commerce. Influencé par le style, le quartier français l’adapte, l’intègre et le reproduit jusqu’en 1820 environ. Ces nouveaux immeubles sont qualifiés de « créoles » et restentemblématiques de l’architecture urbaine de l’ancien quartier français de la Nouvelle Orléans.
Une balade idéale ?
Rien de tel pour découvrir la ville que de musarder. Déambuler de quartier en quartier, entre la fontaine Gueydon et la Savane, arpenter les rues Gallieni, Blenac, Victor Hugo, Garnier-Pagès, lever le nez pour admirer les balcons en fer forgé et se laisser aller à deviner l’ambiance des cours…
Merci à Bruno Carrer pour son expertise et sa collaboration.
Texte Marlène François