Yuh body, un clip rempli d’émotions sur un amour lumineux
Plaisir, désir, sont les mots que Lycinaïs Jean choisit pour parler d’elle. Dans son dernier clip « Yuh body », on retrouve la chanteuse et sa façon très personnelle d’exprimer ses émotions, elle qui aime partager ses doutes, ses espoirs, ses passions dans un bel équilibre entre différentes inspirations musicales.
Le clip Yuh body extrait de son dernier album – Meche Reb’l – célèbre l’arrivée imprévue d’une personne dans la vie d’une autre par le biais de sites de rencontres.
Histoire vraie ? Histoire rêvée ? On ne le saura pas. Un clip très sensuel inspiré par une passion immédiate, irrésistible, entre femmes : « Laisse-moi toucher ton corps… ».
Yuh body a été tourné par le réalisateur Mike Saint Auret, en Guadeloupe, sous le soleil caribéen où la chanteuse aime s’inspirer et protéger ses amours.
C’est une histoire pour enfants, l’histoire de Tania, une éléphante qui guide sa harde dans la savane africaine. C’est une vieille éléphante, elle connait tous les dangers. Elle sait que l’herbe ne pourra pas pousser, s’il ne pleut pas. Or il ne pleut toujours pas. Les jours passent, le ciel reste désespérément bleu. Il faut attendre et marcher. Attendre et marcher…
La harde ira jusque dans des zones inconnues et hostiles, mais comment résister à l’appel d’un marécage ? Ce qui se passera là, au cours de cette nuit et de ce petit matin sera à la fois signe de disparition et de renaissance. Blessée, Tania pourra s’allonger à l’ombre d’un grand arbre et partir en paix puisqu’elle aura réussi à sauver ses compagnons de la sécheresse.
Le Marie-Galantais, Alex Godard, illustre le livre avec la poésie qu’on lui connaît, qui colore et magnifie les émotions de couleurs pastel.
L’auteur Michel Piquemal inclut, dans ses histoires pour enfants, des sujets de réflexion. Il le fait tout en douceur et laisse à l’enfant le choix de s’interroger. Pourquoi la pluie ne vient-elle pas comme elle le faisait auparavant ? Quel est le rôle de l’ancêtre dans un groupe ?
Michel Piquemal est aussi l’auteur de Les Philo-fables, livre dans lequel il propose de faire de la philo pour les enfants de huit et neuf ans avec soixante courtes histoires, fables, paraboles ou contes (Ed. Albin Michel Jeunesse). Il est allé puiser dans les traditions du monde pour y trouver des histoires qui amusent, étonnent et donnent à réfléchir sur l’amitié, le bonheur, la justice, le droit, le destin, la mort, la vérité, le détachement, la pauvreté…
L’éléphante qui cherchait de l’eau. Michel Piquemal et Alex Godard. Ed. Albin Michel Jeunesse
Si de nombreux styles architecturaux (traditionnel, moderniste, post-moderniste, art déco …) se côtoient à Fort de France, le centre condense principalement des maisons urbaines créoles.
Une balade dans les rues permet de découvrir des pépites architecturales. On y remarque aussi des extensions de style plus contemporain greffées sur des constructions centenaires ou encore, des immeubles anciens en vis-à-vis avec des bâtiments récents, à l’architecture très différente et au style marqué.
La maison urbaine créole, une architecture qui vient de loin !
Un des modèles de ces immeubles emblématiques trouve son origine en Angleterre, s’est diffusé en Amérique du Nord (Nouvelle Orléans) avant de s’installer aux Antilles. Il s’agit de maisons à trois travées, bâties en série et souvent dotées de balcons en fer forgé. Après l’incendie qui ravage Londres en 1666, la reconstruction se fait selon des modèles standardisés de maisons en série (« terraces »). Très vite, ce modèle anglais se diffuse dans les colonies anglo-américaines. Vers 1820, il se répand le long de la côte Atlantique américaine et arrive à la Nouvelle–Orléans, en Louisiane, dans les quartiers anglo–américains.
Aux Antilles, le style s’impose !
Ce modèle va se multiplier dans la Caraïbe, à Saint-Pierre comme à Fort de France. Et après le grand incendie de Fort de France en 1890 et un terrible cyclone en 1891, la cité se reconstruit avec des immeubles de type américain ou créole, souvent en série. Ils finiront par devenir emblématiques de la ville de Fort de France…
Le style ressemble fort, pour son aspect extérieur, au modèle créole de la Nouvelle–Orléans : rez–de–chaussée commercial, couloir latéral débouchant directement sur un escalier menant aux étages d’habitation, cour avec fontaine ou lavoir …
L’enjeu : réhabiliter l’existant tant qu’il est encore temps
Depuis plusieurs années, le centre-ville de Fort-de-France tente une stratégie ambitieuse afin de renforcer son attractivité économique, favoriser son repeuplement (mixité sociale, culturelle et générationnelle), confirmer sa vocation de vitrine régionale …
Réveiller le cœur de ville en restant fidèle à son patrimoine
La ville a engagé un Plan d’Action Cœur de Ville. Son objectif est de rendre le centre-ville plus attractif, de renforcer sa vocation résidentielle (pour les seniors, les travailleurs, les étudiants) et d’améliorer la qualité de l’habitat. Il s’est aussi fixé des objectifs stratégiques visant à inciter et à accompagner des investisseurs publics et privés dans leurs acquisitions/rénovations avec des conseils, des recommandations et l’accès (sous conditions) à des soutiens financiers. Ainsi, la ville a défini des îlots de mutation urbaine et a entrepris des opérations qui s’inscrivent dans un même esprit spécifique. Ces « séquences urbaines » servent de marqueurs, de « démonstrateurs » pour d’autres secteurs ou quartiers. On parle ici de « rues à thèmes ». Ainsi, la rue Garnier-Pagès est dédiée à « l’art de vivre et à l’artisanat d’art ». La ville accompagne actuellement des porteurs de projets qui s’inscrivent dans ce thème.
Dans ce cadre, une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH), relancée en 2021, sera couplée à une Campagne de ravalement de façades et à une Opération de Restauration Immobilière (ORI). Sur certains immeubles identifiés, ciblés (modernistes et créoles), les propriétaires auront pour obligation d’effectuer des travaux de restauration, en s’appuyant sur des accompagnements techniques, des mécanismes financiers et juridiques mis en place par la Ville.
L’histoire dans l’histoire :
En 1763, Louis XV cède la Louisiane à l’Espagne. Malgré l’arrivée de colons espagnols à la Nouvelle–Orléans, les quartiers créoles français conservent l’architecture de la vieille ville coloniale. En 1788 et en 1794, deux incendies ravagent la ville et les maisons en bois d’architecture française n’y résistent pas. Les bâtiments se reconstruisent selon le style espagnol (en briques et sur deux niveaux), caractérisé par une cour intérieure (patio), une porte cochère et un rez–de–chaussée destiné au commerce. Influencé par le style, le quartier français l’adapte, l’intègre et le reproduit jusqu’en 1820 environ. Ces nouveaux immeubles sont qualifiés de « créoles » et restentemblématiques de l’architecture urbaine de l’ancien quartier français de la Nouvelle Orléans.
Une balade idéale ?
Rien de tel pour découvrir la ville que de musarder. Déambuler de quartier en quartier, entre la fontaine Gueydon et la Savane, arpenter les rues Gallieni, Blenac, Victor Hugo, Garnier-Pagès, lever le nez pour admirer les balcons en fer forgé et se laisser aller à deviner l’ambiance des cours…
Atelier 49, au 49 rue Moreau de Jones, magnifique démonstration d’une rénovation créative qui révèle un lieu et respecte le patrimoine.Cité Clarac, un élément unique du patrimoine architectural foyalais. Inspirée à l’origine des cités ouvrières avec 19 logements lotis dans un seul bâtiment.Maison Saint-Cyr, au 115 rue Victor Hugo : maison bourgeoise en plein cœur de ville avec jardin et fontaine devant la maison. Projet de préservation et de valorisation en cours.Pâtisserie Suréna au 83 rue Victor Hugo (maison inscrite aux monuments historiques)Maison créole au 12 rue Blénac. Une maison d’artiste (photographe Seraphin) restaurée par l’architecte Olivier Compère. Un exemple parfait de restauration : l’esprit contemporain et le charme d’antan.
Merci à Bruno Carrer pour son expertise et sa collaboration.
Sur les hauts de Petit-Bourg, par-delà les pâtures vallonnées serties de forêt humide, serpente la rivière moustique.
Longtemps resté secret et toujours aussi sauvage, le petit canyon qui sert d’écrin à la rivière Moustique est un bijou de roches rubicondes plongeant dans des eaux d’émeraude cristallines. Si la randonnée pour y accéder est plutôt facile, n’oublions pas que, comme pour toute escapade en bordure de rivière sous les tropiques, elle ne doit s’entreprendre que par temps sec. Nous éviterons ainsi toute montée des eaux, aussi dangereuse qu’inopinée…
Depuis la section Duquerry, en empruntant le chemin de l’exploitation agricole, la petite route enroule les virages jusqu’à la crête et le portail du domaine, laissé ouvert. Le véhicule garé, nos premiers pas nous mènent à un sous-bois de culture d’Alpinias et d’Heliconias multicolores, avant que le couvert végétal ne s’ouvre sur des champs de canne à sucre, piqués de quelques bœufs et bordés de brassées de cocotiers. A ce stade, di cile encore d’imaginer trouver la rivière Moustique. Et pourtant, en face du second groupe de cocotiers, sur la gauche du chemin, une trouée dans la forêt invite à descendre les 90 m de dénivelé négatif qui nous séparent de l’eau. Notre progression, aussi rapide que la pente est marquée, nous o re la fraîcheur de la rivière, au prix d’une dernière dégringolade de rochers, entre racines et courte corde à nœuds. Remontons le lit de la Moustique sur 300 m, dans un décor lianescent où pullulent Ailes à mouche et Siguine blanche. Puis les premières falaises font leur apparition et le lit devient plus étroit : dès le début du canyon, la promesse d’une baignade d’exception, toute en douceur, est irrésistible…
Canyon Moustique (Photo : Aurélien BRUSINI)
D’abord quelques dizaines de centimètres de profondeur, jusqu’à ne plus avoir pied au milieu du canyon en forme de coude, qui ne se découvre dans son ensemble qu’à la nage. Un gros rocher poli et moussu, le saut d’une frêle cascade entourée d’amas rocheux marquent la sortie de cet univers intime, aux eaux iridescentes sous les ondulations de la canopée.
canyon moustique / Image au format « mini-planete » / photo Aurélien BRUSINI
Pratique
Niveau : facile Départ : Section Duquerry, commune de Petit-Bourg Distance : 600 m Dénivelé : 90 m Durée aller-retour : 1h30 Intérêt : baignade dans le canyon Remarque : randonnée à n’entreprendre que par temps sec
Envie de partage inter-générationnel, besoin de retrouver vos racines, ou plus simplement désir de perpétuer le lien avec la terre nourricière ? Bienvenue chez Lasoté, à Fonds-Saint-Denis, en Martinique !
Inscrite de plain-pied dans la valorisation de l’économie durable, l’association replace femmes et hommes au cœur de cette dynamique, chacun y ayant un rôle à jouer, en fonction de ses affinités, sa motivation et ses savoir-faire.
Ici, plus que d’agriculture, il est question de culture et de sa transmission aux nouvelles générations, pour rebâtir le modèle éco-responsable de l’agriculture saine et durable de demain. Alors venez vous aussi participer à ce formidable élan, si la transmission de la culture est dans votre nature !
« Transformer ce qui est aujourd’hui un vrai problème de santé publique, en solution écologique, économique et sociétale de demain ». Tel est le but fièrement affiché par la jeune martiniquaise Azaria Remion, Docteure en biotechnologie, au sujet des algues brunes dérivantes – dites sargasses.
Depuis 2019 à la tête de sa start-up Collabioration, spécialisée en recherche et développement autour des biotechnologies, elle lance le projet Sargscreen de valorisation des sargasses.
Objectif : créer une micro-filière autour de ces algues , du ramassage jusqu’à la création de produits de santé et de bien-être et en développant un pôle d’expertise scientifique local. Les récompenses ne se font pas attendre et la dernière en 2020 – le Trophée Pro Groupama Antilles-Guyane – couronne des projets innovants qui contribuent au développement durable de notre territoire. A l’heure où nous bouclons ce magazine, « Sargrscreen » est en lice pour la finale nationale du Trophée.
Légende vivante du jazz, Alain Jean-Marie remporte la Victoire d’honneur des Victoires du Jazz, point d’orgue d’une carrière hors du commun.
Cérémonie spécifique des Victoires de la musique depuis 2002, les Victoires du Jazz ont dévoilé récemment leur palmarès 2021. Les Antilles peuvent être fières.
Né en 1945 à Pointe-à-Pitre, l’enfant du pays débute le piano à l’âge de huit ans. Il aiguise rapidement son oreille au son des répertoires caribéens et joue dans différents bals de Guadeloupe. A cette époque, chaque denier gagné est investi dans des vinyles de biguine et de Jazz. Ces deux styles, qu’il fusionnera brillamment par la suite, constituent la base de son identité musicale.
Alain Jean-Marie aux Victoires du Jazz 2021.
Installé à Paris au début des années 1970, il rejoint la cour des grands en accompagnant d’immenses pointures telles que Chet Baker, Johnny Griffin ou Christian Escoudé… Il se rapproche de Dee Dee Bridgewater en 1986 et devient le directeur musical de son spectacle « Lady Day ». En 1990, il enregistre avec Abbey Lincoln (ex-femme du batteur et pionnier du Be-Bop Max Roach) aux côtés de Jackie McLean, Billy Higgins et Charlie Haden.
Il s’entoure régulièrement de confrères guadeloupéens et enregistre Clean & Class avec André Condouant (1997), Fanny’s Dream avec Roger Raspail (1997), Men Art Works avec le « Gwanadien » Jocelyn Ménard (2002) ou encore Jazz Ka Philosophy avec Franck Nicolas (2002) – lyannaj de jazz et gwoka.
En solo, il enregistre Afterblue en 1999 et That’s What en 2004.
Alain Jean-Marie remporte la Victoire d’honneur 2021.
Considéré comme l’un des plus importants pianistes du jazz francophone, Alain Jean-Marie cumule de nombreuses récompenses : Prix Django Reinhardt en 1979, Prix Boris Vian de l’Académie du Jazz en 1999 et Django d’Or en 2000. Cette nouvelle Victoire, quant à elle, ne salue pas une création, mais l’ensemble de son œuvre. C’est ce qu’il nous confie avec une humilité égale à son talent.
Découvrez Biguine reflections, L’intégrale (incluant les 5 albums originaux d’Alain Jean-Marie de 1992 à 2013) : https://cutt.ly/NRuPu4E
Vous avez déjà dû lire son nom dans ce magazine : elle a travaillé dix ans comme directrice artistique des pages mode de Créola. Lucie Réunif, styliste de mode et flamboyante directrice de l’agence Caribbean Casting depuis vingt ans, règne sur un concept store conçu comme une galerie du design caribéen au cœur des galeries de Houelbourg, en Guadeloupe.
On y découvre des vêtements, des tableaux, des bijoux et des accessoires nés des mains du styliste cubain Daniel Garriga, de la jeune créatrice franco-gabonaise Sweet Secret, du couturier guadeloupéen Jean-Marc Benoît, de la créatrice de bijoux Nathalie Julan ou encore du styliste martiniquais Denis Devaed. Des créateurs avec lesquels Lucie Réunif collabore de longue date. « Il fallait une vitrine pour les représenter » explique-t-elle. Drapés soyeux, broderies fines et cotonnades lumineuses habillent les corps. Les coupes, chics, balnéaires ou résolument modernes, les subliment. Il y a ici d’étonnantes variations de ce style caribéen qui projette le rêve et la vie dans chacune de nos tenues.
Veste et bermuda : Dénis Devaed Photographe : Nicky Mariette
Ensemble bustier pantalon fleuri by JMB, kimono by Sweet Secret Photographe : Joël DubourdCollier en cuir by Amarine Créations Short jean by JMBRobe fleurie fluide by Denis Devaed Photographe : Joël DubourdEnsemble pantalon by Daniel Garriga Collier by Amarine Créations, chez Caribbean Casting & Designers Photographe : Pyree Jean-Paul CinemaerienRobe chemise by Sweet secret, chez Caribbean Casting & Designers Photographe : Pyree Jean-Paul Cinemaerien
Retrouvez ces créations chez Caribbean Casting & Designers, aux Galeries de Houelbourg, Baie-Mahault, Guadeloupe.
Beaucoup se souviennent avec nostalgie du Centre des Arts et de la Culture (CAC). Son énergie créative faisait résonner le cœur de la ville quand le spectacle y était encore vivant. Lieu mythique mais inactif depuis plus de dix ans, il frémit à nouveau.
Il était réduit à un vaste amas de ciment, inanimé depuis trop longtemps. Il était temps que ça change pour cet ancien haut lieu culturel. C’est désormais le cas. A l’initiative d’activistes et d’artistes de la scène locale, la créativité s’y (ré)installe depuis quelques mois. « C’était inacceptable de voir un lieu ayant accueilli des artistes tels que Kassav ou Miles Davis végéter à ce point… » nous confie un des initiateurs « … les amoureux des arts que nous sommes se devaient de le faire revivre. »
Mur de l’entrée par Pacman
Joignant l’action à la pensée, les premiers concerts se concrétisent, tout comme les spectacles de danse, de théâtre, de contes et autres expressions artistiques. Dominik Coco, Florence Naprix, Sonny Troupe, Carole Venutolo, Stéphane Castry, Lucile Kancel, Tiwony et bien d’autres participent.
Freinées dans leur élan par un nouveau confinement en août dernier, les représentations sont forcées de ralentir. Mais… plasticiens, muralistes, photographes, writers et autres artistes-peintres prennent rapidement le relai pour conférer à cette jungle de béton des allures de musée. Les techniques se mélangent, les collaborations s’organisent naturellement. Collages, trompe-l’œil, installations… Les mediums sont multiples pour rendre hommage à ce lieu que l’art a tant fait vibrer.
Ainsi, en déambulant dans les étages, on croise plusieurs œuvres de Joël Nankin, des hommages à Jacob Desvarieux par les 4Kg, Eyone ou Kongo (graffeur de renommée internationale). Des clichés du photographe Christian Geber, un portrait géant d’Henry Joseph par Skem et Dougy, une dédicace à Carloman Bassette par Yeswoo. Sans oublier les livres géants de LinC qui a su s’approprier l’espace pour lui offrir un sens nouveau.
Installation photographique de Daniel Goudrouffe
La vie du CAC, haute en couleurs, est ainsi faite de découvertes et d’échanges. La chanteuse et comédienne Lucile Kancel nous confie par exemple son lien particulier avec l’édifice qui l’a, en quelque sorte, révélée : « En 2003, c’était presque devenu ma maison ! J’y ai vécu plusieurs mois lors des préparations de la comédie musicale La Rue Zabym. Ce fut mon premier spectacle officiel. Lorsque plus tard j’y ai remis les pieds, j’ai été meurtrie par son état et je me suis engagée, avec le Kòlektif Awtis Rézistans, à aider à le faire renaître. »
A en croire le dynamisme qui s’y installe aujourd’hui, on se plait à penser que ce symbole culturel, loin d’être achevé, n’est pas prêt de succomber.
C’est l’une des premières sucreries industrielles de la Caraïbe. A l’est du Moule, en Guadeloupe, la Maison Zévallos s’érige en exception architecturale dans le paysage créole. Un fleuron patrimonial que la famille Débibakas-Beausire s’attèle à sauver de la déshérence.
Voici le site d’une plantation de canne à sucre fondée au début du 18e siècle. L’Habitation Zévallos abrite aujourd’hui, sur ses quelque deux hectares résiduels (elle en comptait près de mille en 1802 !), les vestiges de la première usine centrale de la Guadeloupe, regroupant la production de plusieurs exploitations alentours.
STRUCTURE MÉTALLIQUE ANTISISMIQUE
Construite en 1844 par la Compagnie des Antilles, l’une des premières sucreries industrielles de la Caraïbe témoigne de l’évolution économique de l’archipel et de l’histoire de son peuplement à partir du 17e siècle. Une histoire tumultueuse, traversée par celle des premiers colons, puis des esclaves (jusqu’à la seconde abolition de 1848), puis par l’arrivée de la main-d’oeuvre d’origine indienne, en 1854.
Maison Zévallos – Photo : Aurélien Brusini
Classée “monument historique” en septembre 1990 par le Ministère de la Culture, l’Habitation Zévallos a conservé sa maison à pans de f er sur quatre niveaux (avec sa case à vent – abri cyclonique en sous-sol) dont une légende , non confirmée, attribue la fabrication aux ateliers de Gustave Eiffel. Architecte-urbaniste et auteure d’une étude sur la “Route des Habitations” pour la Région Guadeloupe, Michèle Robin-Clerc témoigne : « la Maison Zévallos, logement principal d’usine, a été construite par Auguste Duchassaing de Fontbressin, vers 1870.
Maison Zévallos – Photo : Aurélien Brusini
C’est une gracieuse construction à structure métallique, avec des remplissages de parois réalisées en briques ocre. » Après le terrible tremblement de terre de 1843 en Guadeloupe – et l’incendie qui s’en est suivi -, la création de ce type de bâtisse s’impose : « habitation coloniale avec ossature métallique, transportée sous forme de pièces détachées et résistant à la fois au séisme et à la combustion. » À cette époque, on croyait que le métal était résistant au feu. « Le système par ossature métallique et remplissages de briques est, en revanche, très résistant à la secousse sismique. La maison est doublée de bois intérieurement. »
CHANTIER DE LONGUE HALEINE
Au fil du temps, de ses nombreux propriétaires successifs, la bâtisse a souffert tant des rigueurs du climat que des aléas d’entretien d’un bâti parfois laissé à l’abandon. Jusqu’à ce qu’une famille guadeloupéenne s’attaque au projet de sa restauration.
Maison Zévallos – Photo : Aurélien Brusini
En 1999, l’amorce du projet Zévallos prend corps avec l’acquisition “coup de coeur” du domaine par Rosan Debibakas, un entrepreneur de travaux publics – et ancien propriétaire de la distillerie Delisle – dont les grands-parents, d’origine indienne, avaient travaillé leur vie durant dans la sucrerie. Mais c’est Maggy Beausire, la mère des actuels propriétaires du domaine, Patrick et Éric Debibakas (héritiers de leur père Rosan), qui lui donnera son véritable élan. Une première étude de faisabilité est confiée en 2012 à Nathalie Ruffin, architecte du patrimoine. Les travaux de sondages réalisés en différents points du bâti révèlent l’état d’usure extrême de sa charpente métallique. « 70% des éléments (ceinture périphérique du sol, poteaux des pans de fer, arc-boutant en fer, garde-corps, poteaux en fonte…) sont extrêmement corrodés, certains même proches de la rupture ! », s’alarme-t-elle alors.
Faute de gros moyens financiers mobilisables d’urgence, Maggy Beausire entreprend avec passion, avec l’aide précieuse de sa fille Isabelle, de susciter une mobilisation citoyenne tous azimuts. À force d’engagements solidaires des bénévoles de l’Association “les Amis de Zévallos”, à force de contributions financières privées en faveur de sa renaissance, l’Habitation Zévallos acquiert une dimension nationale décisive. Jusqu’à la reconnaissance de son intérêt patrimonial unique par la Fondation du Patrimoine. En septembre 2020, la “Mission Patrimoine en péril” de Stéphane Bern consacre 500 000 € à une première tranche de travaux dédiés à la réhabilitation sécuritaire de sa cheminée industrielle.
L’Habitation Zévallos est aujourd’hui au coeur même du projet de développement économique et culturel du Nord Grande-Terre. Portés par la Région Guadeloupe, les travaux à venir concerneront « la restauration à l’identique de l’ensemble de la structure métallique, des boiseries intérieures, des éléments de décoration et de la charpente. »
Maison Zévallos – Photo : Aurélien Brusini
À terme, un chantier vivant revalorisera les savoir-faire traditionnels du bâti ancien (forgerons, tailleurs de pierre…). Un projet culturel de soutien visera également à accueillir un public plus large, lors de visites nocturnes animées et scénographiées. Zévallos restaurée, ce sera enfin un projet économique viable autour d’une brasserie artisanale. La réalisation du projet est subordonnée au financement de l’opération, estimé à hauteur de trois millions d’euros.