Accueil Blog Page 9

Quand Sainte-Anne se raconte : une expo photo éphémère sur les façades de la ville

Claude-Henri, fabricant de jouets. © Sandra Sulpice

Si vous êtes passé par Sainte-Anne (Guadeloupe) dernièrement, votre œil a certainement été attiré par de nombreuses photographies disséminées aux quatre coins de la ville. Installées ou collées sur les tôles, palissades et façades des charmantes cases créoles que la commune compte par centaines, cette exposition à ciel ouvert est à découvrir jusqu’à fin mai.

Imaginée et orchestrée par l’association Saintannaise K’ARTayib, l’événement « Quand Sainte-Anne se raconte » propose depuis début mars une exposition photographique offerte à tous, installée sur les murs de la ville, de ses friches et passages… presque secrets !

Vernissage de l’exposition, le 5 mars 2022. ©Jessica Laguerre

Ce concept inattendu permet à la fois de découvrir les personnages, femmes et hommes, qui animent et rythment le quotidien de Sainte-Anne par leurs activités, leurs histoires, leurs personnalités… Mais aussi de parcourir et de redécouvrir la ville sous un angle nouveau, en se laissant guider tout au long du parcours par les différents points d’affichages choisis par les organisateurs.

Marielle, mercière © Sandra Sulpice

Sublimant les ruelles, grandes artères et petits passages du bourg, les photographies affichées s’étendent jusqu’aux parcelles abandonnées, marquées par l’empreinte du temps.

Freddy en pleine préparation de ses kassaves © Carla Bernhardt

Naturellement sélectionnés par le hasard des rencontres, ou tout simplement repérés dans l’exercice de leur quotidien, les portraits proposés racontent une histoire, un instant de vie, une émotion partagée entre la personne photographiée et celle placée derrière l’objectif.

Les Pêcheurs saintannais © Carla Bernhardt

Pas moins de 124 clichés s’offrent aux regards, répartis sur 21 sites de la ville (dont 13 dans le bourg), en passant par le port de pêche des Galbas. Notons que les cinq écoles municipales se transforment elles aussi en support presque muséal, comme pour traduire la dimension pédagogique souhaitée par l’association qui, pour l’occasion, a convié des étudiants de tous âges afin de les initier et d’aiguiser leur regard sur le travail photographique. Certains de leurs visuels sont d’ailleurs mis en valeur, en plus du travail des sept photographes participants, amateurs et professionnels.

La marchande en madras © Alain Cassang

Ainsi les artistes Carla Bernhardt, Brigitte Lambey, Sandra Sulpice, Christian Moetus, Alain Cassang, Jessica Laguerre, Cédrick-Isham et deux lycéennes, Jeanne Delva et Eveanne Henry, ont ouvert leur diaphragme et leur cœur aux personnes qui font la ville, en toute simplicité : du fabricant au joueur de Ka, du créateur de bijoux ou de lunettes aux vendeurs de bokits, de jus de canne ou d’eau de coco. Sans oublier le boulanger, les pêcheurs et propriétaires de lolos.

Ste-Anne en pleine tempête © Brigitte Lambey

C’est avec émotion que Brigitte Lambey (présidente de l’association) nous raconte avec toute la passion qui l’anime, la richesse des échanges humains, du partage et des magnifiques connexions qui se sont créées lors des prises de vues. C’est d’ailleurs en évoquant cette « magie de l’instant » que nous l’avons vécu en temps réel… en croisant Georges Galtier (ancien champion cycliste), en plein milieu de la rue éponyme où il déambulait par hasard, à quelques mètres de son portrait tiré à l’occasion de cette exposition !

Sergette, Ste-Anne – © Carla Bernhardt

Pour vivre pleinement cette aventure de passionnés, vous l’aurez compris, il suffit de se rendre à Ste Anne, de suivre le parcours et ses différentes balises que vous trouverez à la suite de l’article, ou d’entrer en contact avec l’association pour organiser une visite guidée. La prochaine ayant lieu le samedi 2 avril, n’hésitez pas à vous inscrire d’ores et déjà via le lien suivant : https://bit.ly/3JlaPY7

Bonne visite !

Le parcours de l’exposition Quand Sainte-Anne se raconte.

K’ARTayib, association basée à Sainte-Anne, valorise l’art sous toutes ses formes, par le biais d’expositions, d’ateliers, de stages, d’évènements culturels, sportifs, historiques ou culinaires.

Contact : Brigitte LAMBEY, FB K’ARTayib, Kartayib97@gmail.com, 0690 54 91 02

 

Texte : Mathias Flodrops

Stabiliser le sol

Votre sol est prêt ? Prochaine étape : planter, sur votre butte lasagne, les plantes qui vont équilibrer et protéger votre futur potager.

Plantes aromatiques

Une fois la butte lasagne prête (lire Créola #2), votre sol est vivant : les organismes qui décomposent les matières végétales et organiques nourrissent le sol et les plantes. Ce sol, il va falloir l’équilibrer, avec l’aide de végétaux bien spécifiques : les plantes aromatiques. Leur particularité ? Elles repoussent les ravageurs sur le sol (pucerons, cochenille, fourmis) grâce à leurs odeurs, mais aussi dans le sol grâce aux antioxydants, antibactériens et antifongiques qu’elles relâchent dans la terre. Dans le jardin, elles régulent ainsi champignons, bactéries et petites bêtes… On privilégie donc les plantes aromatiques pour assurer une bio-régulation du sol : doliprane, fonbazin, basilic, romarin, gros thym, romarin, menthe, trois tasses.

Plantes à fleurs

On optera aussi pour des plantes à fleurs, qui attirent les prédateurs des ravageurs (nos amis donc !) et invitent les pollinisateurs à rester sur la parcelle. Nous avons aux Antilles, par exemple, des variétés de verveine qui attirent rapidement les coccinelles ; ou l’herbe-aiguille (la bien nommée « plante à abeilles ») qui favorise la pollinisation de nos plantations.

Plantes de couverture

Sur une terre vierge, grâce au vent et aux déjections des oiseaux, poussent de « mauvaises herbes » – herbe de Guinée, gazon, patte poule – qui gênent l’expansion du potager. Pour éviter cet envahissement, il faudra des plantes de couverture (haricot rouge, arachide, pois zieu noirs, pois noir…) qui montent à 60 cm de haut. Elles forment une couverture dense qui empêche les mauvaises herbes de pousser. En un mois et demi les haricots recouvrent le sol et offrent leurs fruits !

Après la récolte, on laisse les plantes sur le sol : riches de l’azote qu’elles ont capté dans l’air, elles enrichissent le sol en azote en se dégradant. Pas besoin d’engrais !

Comment les répartir ?

Sur notre butte lasagne de 2 m de long par 1,20 m de large, les plantes aromatiques sont plantées un peu partout dans le bac, les plantes à fleurs sont en bordure, les plantes de couverture couvrent tout le sol.

La suite dans Créola #4 : on fait pousser les plantes gourmandes !

 

Texte: Julie Clerc 

Photo : Aurélien Brusini

Zamoureux à la Maison Rousse

Vous vous sentez loin… très loin. Pourtant vous êtes bien en Martinique. Vous vous en persuadez au terme de la petite route vertigineuse qui, de virages en épingle et passages à gué, vous a fait perdre tout repère pour vous mener à La Maison Rousse, au cœur de la forêt tropicale de Fond-Mascret.

Mais dans votre inconscient, vous avez atteint l’une de ces contrées inaccessibles et profondément sauvages, où subsistent quelques traces de l’Histoire sous une omniprésente nature, source de tous les fantasmes. « Il n’y a pas de wifi dans la forêt, mais je te promets que tu y trouveras la meilleure des connexions ».

Cette prophétie de Béatrice Rouger-Larcher – la propriétaire des lieux -, résonne en vous alors que les remous cristallins de la rivière du Carbet irriguent déjà votre for intérieur. Les parfums d’ylang-ylang, de fleurs et d’humus vous chavirent et le frémissement des bambous vous libèrent de la moindre tension pour atteindre un degré de décontraction rarement égalé. La magie opère… Construite sur les ruines de l’ancienne Habitation-sucrerie Rousse remontant à 1777, à deux pas du Canal des Esclaves, creusé lui vers 1770 pour approvisionner en eau les habitations du Carbet et de Saint-Pierre, il semble aujourd’hui qu’Hervé Larcher, Béatrice et sa fille, Laëtitia Caudron, mettent tout en œuvre pour que l’Histoire contemporaine locale – celle de Fonds Saint-Denis ici – distille sans entraves bienveillance, accueil convivial dans l’intimité familiale, harmonie, massages, ateliers (création de tambour chamanique, récital de chants traditionnels Amérindiens), conférences, soins énergétiques, méditation et bien-être au sein de la Terre-mère ; une terre nourricière qui fournit à 90% la table d’hôtes.

Parmi les six chambres de ce gîte au charme fou (Bakoua, Papyrus, Colibri, Zandoli, Bambou), il en est une toute indiquée pour se ressourcer à deux : la chambre Zamoureux, véritable petit nid d’amour. Parmi plus de 500 espèces végétales que compte le domaine, la terrasse sur pilotis ouvre sur la canopée de bois canon, cocotier et zanzibar ; du lever de soleil entre les Trois Pitons du Carbet au coucher sur l’océan au bout de la ravine. Vos nuits sont douces et fraîches, bercées par le murmure de la rivière, pour que le plaisir soit total.

En Images :

CONTACT

La Maison Rousse

Fonds Saint-Denis / Canal de Beauregard / Martinique

Tel. 0596 55 85 49 / Port. 0696 04 98 50

www.maisonrousse.com

 

Texte : Véronique Brusini

Photos : Aurélien Brusini

Ecosiklet : pédalez et rechargez !

Amateur de bricolage à partir de matériaux de récupération, dévoreur de kilomètres, adepte des énergies renouvelables ? L’Ecosiklet est pour vous !

Projet lauréat de l’Appel à projets national « Mon projet pour la planète » soutenu par l’ADEME, l’Ecosiklet est une low-tech développée par l’association Mouvances Caraïbes à Port-Louis, en Guadeloupe. Le concept : fabriquer un vélo avec de la récup’, capable de produire de l’électricité pour produire de la lumière ou charger un téléphone. Une multitude de versions est envisageable en fonction des besoins : Ecosiklet peut aussi bien servir de source d’électricité de secours à la suite d’un ouragan qu’être installée sous un kiosque de plage pour permettre aux passants de recharger leurs téléphones ou d’alimenter un éclairage. Trois mille élèves sensibilisés en Guadeloupe, des animations éco-responsables en entreprises : l’équipe de Mouvances Caraïbes en a sous les pédales ! Un tutoriel est même en ligne : https://wiki.lowtechlab.org/wiki/Ecosiklet

www.mouvancescaraibes.com

Photo © Mouvancescaraibes

La recette du week-end : Tartare de dorade mangue & vanille

Temps de préparation : 10 min
Facile
1 personne

Ingrédients

1 pavé de dorade

1 tranche de mangue

1/2 échalote

1/2 piment végétarien

1 citron

2 branches de cive coupées

1 branche de persil

20 grains de grenade

15 cl d’huile d’olive

1 gousse de vanille

Sel

Poivre

Les étapes

1 Coupez en petits dés la dorade et la tranche de mangue. Coupez finement l’échalote, le piment végétarien, les cives, le persil. Pressez le citron. Réservez dans de petits récipients séparés.2 Extraire les grains de vanille de la gousse.

3 Dans un récipient, ajoutez un à un les ingrédients : dés de dorades, échalote, piment végétarien, cives, persil, mangue, grenade, grains de vanille, citron, huile. Salez et poivrez à votre convenance.

4 Dressez l’assiette. Vous pouvez ajouter quelques fleurs pour la décoration.

Servir frais.

Bonne dégustation !

 

Texte : Véronique Brusini 

Photos : Aurélien Brusini

 

Le Rayon de Soleil, la case de Morgane Waber

Quoi de mieux qu’un Rayon de Soleil pour rendre encore plus douce la promenade littorale d’Anse-Bertrand, dans le Nord Grande-Terre ?

C’est dans une case traditionnelle entièrement rénovée que la jeune cheffe Morgane Waber propose sa cuisine colorée, parfumée, inspirée et toujours fraîche grâce à la pêche du jour. Une trentaine de couverts et autant de convives venus sublimer leurs papilles, en salle comme en terrasse, au rythme de la houle Atlantique. Dès l’arrivée, la façade du restaurant – une toque au Gault & Millau depuis 2020 – interpelle avec sa myriade d’ardoises présentant la carte ; une manière habile et ludique pour Morgane de se laisser toute latitude de création, en fonction du retour des pêcheurs d’Anse-Bertrand et de Port-Louis qui la ravitaillent quotidiennement, jusqu’en fin de matinée.

La carte change donc en fonction du poisson disponible et la spécialité maison reste le tartare en trio à l’ananas, accompagné de légumes locaux, sans oublier le tartare de thon à l’ananas et le filet de dorade sauce maracudja-vanille. « Je ne propose que du frais, sauf lorsque la mer est vraiment mauvaise. Dans ce cas, j’opte davantage pour la viande – fraîche aussi bien sûr ! », lance Morgane dans un généreux sourire.

Pas un hasard que le poisson ait ici une place de choix : la terrasse s’ouvre divinement sur un océan de turquoise, l’Anse de la Petite Chapelle non loin de l’Anse Laborde et les plages de Port-Louis sont à deux pas… A l’intérieur, les murs de bois blanc sont rehaussés de rappels colorés, tendrement acidulés sur les tables, le bar (où trônent les rhums arrangés maison), les balustrades. Des chapelets de graines tournoient aux alizés. Des voiliers en coque et fibre de coco voguent sur les nappes d’un bleu profond. Une ambiance authentique qui confère aux hôtes calme et sérénité pour un agréable moment de gastronomie partagée.

 

Le rayon de soleil

6 rue du Commandant Mortenol

97121 Anse-Bertrand / Guadeloupe

Port. 0690 93 43 54

Texte : Véronique Brusini

Photos : Aurélien Brusini

Morgane Waber, une cheffe lumineuse

A Anse-Bertrand, en Nord Grande-Terre, les gastronomes se retrouvent autour de la cheffe Morgane Waber pour partager, en toute simplicité, une cuisine lumineuse et savoureuse…

« Quand mes hôtes s’attablent au Rayon de Soleil, je les sens apaisés face au climat particulier que nous traversons avec la crise sanitaire. Ils entrent en résonance avec l’énergie positive que je distille ». Morgane Waber est là, ouverte à la vie, sur la terrasse colorée de son restaurant, sereine et rayonnante. Pas étonnant qu’elle ait choisi avec sa mère cette enseigne pour régaler le palais des gastronomes : elle irradie par sa présence chaleureuse et propose une cuisine haute en couleurs d’une rare finesse. Un savant mélange d’exigence, de métissages et de découvertes gustatives, olfactives et visuelles au bout de la fourchette. Là encore, point de hasard. Car Morgane nous parle « vrai » ; à travers ses fourneaux, c’est un peu d’elle-même qu’elle offre à chaque assiette. La jeune femme qui a grandi à Petit-Canal, d’une mère indo-guadeloupéenne et d’un père italo-suisse, a toujours savouré cette richesse culturelle au sein des siens. « Une famille où tout le monde aime cuisiner et le partage bien volontiers en toutes occasions », confie-t-elle.

Toute petite déjà, Morgane prend un plaisir non dissimulé à goûter, expérimenter, observer la ronde des faitouts, comme le fait sa fille aujourd’hui. Mais l’idée de s’approprier ce mystérieux assemblage des saveurs ne germe pas tout de suite. Après un bac S et un BTS qualité industrie agro-alimentaire, Morgane s’implique dans l’entreprise familiale « Saveurs des tropiques », avant de saisir l’opportunité de s’installer à son compte pour laisser parler son cœur. Plusieurs mois sont alors nécessaires pour rénover la case traditionnelle en bois dans laquelle elle souhaite s’installer, face au littoral d’Anse-Bertrand. « J’ai participé à plusieurs émissions (Chef péyi sur Guadeloupe 1ère, avec Cheffe Kelly sur France 3…) » et, en 2018, la grande aventure du goût commence enfin. « Mis à part mon attachement profond à la qualité et au choix de produits locaux, j’ai trois mots d’ordre : du frais, du frais et toujours du frais ! » A une enjambée de l’océan Atlantique (de l’autre côté de la rue), offrir le poisson du jour est une évidence et la surprise – en bouche comme à l’assiette – tient au génie créatif de celle qui caresse le projet de devenir maître restauratrice.

Texte : Véronique Brusini 

Photos : Aurélien Brusini

Judith Tchapka, ou l’esprit de Jersey

Jeune femme solaire, styliste habitée, artiste accomplie et engagée – dont certaines œuvres sont visibles à l’incroyable Centre des Arts de Pointe-à-Pitre – Judith Tchapka nous ouvre les portes de son for intérieur créatif.

De rouleaux de coton jersey, Judith Tchapka appose, juxtapose et du bout des doigts tresse sa prose. D’Emoi [en] Créations, la jeune artiste autodidacte insuffle un vent cosmogonique, non loin des peuples premiers comme ceux de la vallée de l’Omo, à ses bijoux de corps sous sa marque éponyme. Puisant ses racines en Centrafrique et tombée en amour de la Guadeloupe, Judith interroge la part mystique tapie en chacun de nous, sans en avoir l’air, délicate et espiègle, pupille de jais et lèvres dévoreuses de sourires. Portée par le sens des couleurs qui toujours s’accorde à son propos, son inspiration s’envole vers l’Antiquité égyptienne, le divin et ses divinités. Suivant son instinct créatif, ses doigts inventent une nouvelle manière de tresser, plisser et tisser ces bandelettes, comme autant de serpents sveltes sous son joug hypnotisés. Les résultats de cette danse digitale offrent au corps des femmes pour lesquelles elle confectionne ces bijoux un nouvel élan, une silhouette sensuelle, mouvante, inattendue et inspirée. Des heures, des jours parfois sont nécessaires pour que de son esprit naisse cette matière féconde. Car Judith ne dessine pas, oublie les patrons pour que, sans entraves, jaillisse son intuition. « Certaines pièces à l’entre-maillage vrillé se sont parfois révélées bien plus compliquées que je l’avais imaginé ! », confie-t-elle ainsi, « j’expérimente alors au-delà des frontières de mes possibles et m’enrichis de ces épreuves ».

Communiquer avec l’invisible

A ceux qui seraient tentés d’assimiler sa technique au macramé, Judith préfère le parallèle avec une autre approche du corps : « J’ai l’impression de coiffer le tissu. C’est comme si je faisais des vanilles de cheveux (nattes à deux brins) en jersey ! Je n’utilise pas les nœuds du macramé ». Créant ses propres codes par l’hybridation de bijoux de corps et de masques monumentaux, Judith entre-ouvre la porte de l’art contemporain et laisse vibrer la part magico-religieuse qui l’attise. « Les masques ont leurs costumes à présent, et des valeurs que je ramène dans la communauté : ils permettent de communiquer avec l’invisible ».

Une force expressive qui n’a pas échappé au groupe carnavalesque VIM, dont elle a initié les membres à la reproduction du masque rouge « Surma » pour leur défilé en 2020, actant ainsi la transversalité qu’elle ressent profondément entre l’Afrique et le monde créole, tout en réfutant le folklore au profit de l’identité. « Je me suis ouverte au métier de la création en Guadeloupe et la remercie en permanence pour cela : elle m’a fait découvrir une page de moi que j’ignorais », lance Judith dans un sourire brillant.

Texte : Véronique Brusini

Photos : Aurélien Brusini

 

 

 

Léo Lérus, en ka danse

Danseur, chorégraphe, créateur atypique, Léo Lérus vient de recevoir le Prix du Public au concours Podium dédié à la danse contemporaine, pour son spectacle Entropie. Entretien avec l’un des fers de lance de la création caribéenne à l’international.

Comment la danse est-elle entrée dans ta vie ?

Léo Lérus : Très tôt, j’ai aimé danser et ma mère a vu en moi l’intention artistique. A l’âge de 4-5 ans, mes parents m’ont inscrit au Centre des Arts où j’ai dansé le gwo ka. Puis j’ai intégré l’école privée de Léna Blou, le C.D.E.C, à Pointe-à-Pitre. Une rencontre décisive : elle m’a ouvert au classique, au modern jazz et a décelé en moi un potentiel. Elle a décidé de me présenter au Conservatoire de Paris. J’avais à peine 13 ans ! Contre toute attente, moi qui n’avais jamais été au Conservatoire ni passé de concours, j’ai terminé premier. Mes parents, très ouverts, m’ont alors laissé partir seul à Paris où j’ai intégré le cursus contemporain. Entouré de jeunes qui partageaient la même passion, j’ai vécu cinq années d’études très enrichissantes. Un jour, Christine Gérard – ma professeure d’improvisation et de composition – m’a dit  : « N’essaie pas d’effacer tes origines quand tu danses ! » Cela a été le premier ébranlement pour moi.

Quelles expériences et rencontres ont fait évoluer ta recherche chorégraphique ?

Après le Conservatoire, j’ai été interprète dans des compagnies en Suède, en Norvège, au Danemark, à Londres, ainsi qu’en Israël. Chaque année, j’avais envie de découvrir d’autres univers, d’autres styles, d’autres cultures. J’ai donc passé régulièrement des auditions et énormément travaillé. A Tel Aviv, j’ai découvert une approche particulière : l’échauffement Gaga, sorte d’improvisation guidée. On n’a pas de miroir et l’intention du danseur en est le point de départ. Puis je suis revenu au ragga, au dancehall. Cela m’a ramené vers mon chez moi, à mon groove caribéen. En Israël, j’évoluais dans un environnement qui interrogeait sans cesse mon identité. D’où je viens ? Qui suis-je ? Quelle légitimité ai-je à être là ? Au quotidien, je devais valider cette présence aux autres. Cela m’a poussé à affirmer ma fierté, mon identité et à me lancer dans la recherche et la création.

La danse et la musique gwo ka innervent tes chorégraphies. Comment ces deux univers se nourrissent mutuellement dans ton œuvre ?

Mon travail est une sorte de rebond de ce que Léna Blou a mis en place. Je lui dois beaucoup. Dans Entropie (créé en 2019), j’essaie d’avoir une approche de la danse ancrée dans le léwoz, tout en utilisant les outils puisés dans d’autres compagnies. Je questionne l’impact de la danse sur son environnement, le lien entre le danseur et le makè. Danse et intention des interprètes génèrent le développement musical. Il y a une réelle interactivité dans cette œuvre : selon nos mouvements, nous générons des variations de la lumière comme du son. J’ai travaillé avec Gilbert Nouno à la création de ces dispositifs interactifs. La variation est précise, la structure claire, mais le jeu reste vivant. Il y a improvisation à chaque fois. Des capteurs captent la vélocité, la dynamique des danseurs : les données sont envoyées à l’ordinateur qui entraîne des variations de lumière et de son, selon le moment du spectacle. Entropie, pour moi, c’est une pierre posée sur un chemin pour diffuser la culture guadeloupéenne. Aujourd’hui, dès que je peux, je rentre en Guadeloupe, pour créer et ressentir cette vibration insensée en moi. Celle du gwo ka.

Tu es lauréat du dispositif « Nouveau Monde ». Peux-tu nous en dévoiler les grandes lignes ?

J’ai obtenu une bourse pour financer une période de recherche qui aboutira à une création publique. Je souhaite me concentrer sur la symbiose entre le danseur et son environnement musical et naturel. Dans ce projet engagé, il est question de « climax » et de l’équilibre si urgent à trouver, pour créer avec la nature, tout en la protégeant. Allier utilisation et préservation résonne comme un mantra de l’œuvre. J’envisage deux formats de représentation : l’une au cœur de la nature et l’autre au sein de salles de spectacles, proposant ainsi en un miroir dynamique, un message d’espoir pour l’un et/ou d’urgence pour l’autre.

J’ai obtenu une bourse pour financer une période de recherche qui aboutira à une création publique. Je souhaite me concentrer sur la symbiose entre le danseur et son environnement musical et naturel. Dans ce projet engagé, il est question de « climax » et de l’équilibre si urgent à trouver, pour créer avec la nature, tout en la protégeant. Allier utilisation et préservation résonne comme un mantra de l’œuvre. J’envisage deux formats de représentation : l’une au cœur de la nature et l’autre au sein de salles de spectacles, proposant ainsi en un miroir dynamique, un message d’espoir pour l’un et/ou d’urgence pour l’autre.

 

Propos recueillis par Véronique Brusini

Captations du spectacle « Entropie » : Léo Lérus / Compagnie Zimarel

Les Hommes d’argile

En Martinique, à l’époque du carnaval, la plupart des participants se fardent entièrement. Parmi eux, Les Hommes d’argile, apparus au carnaval de Fort-de-France voilà plus de vingt-cinq ans.

De tout temps, lors de rituels ou de fêtes, l’être humain a aimé marquer, maquiller son corps de peintures tégumentaires pour signifier son appartenance à un clan ou exprimer sa singularisation. L’idée originale des Hommes d’argile revient à Sylvain Filon, aujourd’hui président du groupe, artisan-potier (spécialiste en création de carafes) au Village de la Poterie aux Trois-Îlets, berceau de la poterie artisanale en Martinique.

Depuis toujours, l’argile passionne Sylvain. Et ce jour-là, plus que les autres, il est même très inspiré… Alors qu’il cherche un déguisement pour le carnaval, début 1995, l’idée lui vient de s’enduire le corps d’argile ocre rouge (souvent associée à la terre mère dans les cultures traditionnelles). Il en fait part à trois personnes qui le rejoignent vite dans l’idée de se couvrir le corps de cette pâte rouge avant d’aller défiler au carnaval de la ville. A l’époque, ils se font appeler les « Nègres d’argile ».

Loin de passer inaperçus, ces hommes et cette femme sont suivis par des centaines d’yeux émerveillés. Étonnés de ce succès, les potiers continuent à déambuler et surprendre. Parmi les spectateurs, M. Lamorandière, du service culturel de la ville. Il ne manque pas d’encourager Sylvain à développer son idée aussi originale qu’esthétique. « Les Hommes d’argile » sont nés.

Mi-hommes, mi-statues

Aujourd’hui, le paysage culturel martiniquais n’existerait pas sans elles et sans eux. Chaque année, les Hommes d’argile sont une trentaine à défiler lors du carnaval de Fort-de-France.

De la tête au pied, leur peau est couverte d’une enveloppe monochrome et mate. Mi-hommes, mi-statues, ils se déplacent pour se figer soudainement et prendre la pose, figurant des tableaux humains saisissants, singuliers et énigmatiques. La succession de postures, d’attitudes immobiles ponctuées d’expressions graves du visage révèlent une grâce incontestable à ces scènes où des objets en terre cuite (jarres, pots, carafes, bassins…) rehaussent leur attachement à la terre…

Rien d’étonnant à ce que ces artistes soient de plus en plus sollicités lors de fêtes patrimoniales, événements culturels et représentations. Leur succès a franchi les frontières de la Martinique puisqu’ils se produisent souvent en Guyane et en Guadeloupe, et participent au Carnaval de Paris.

Mieux, les Hommes d’argile ont aussi été approchés par des artistes et des chorégraphes qui ont mis en scène leur spectacle, une réalisation théâtrale que le groupe a présenté aux quatre coins de l’île, dans des sites qu’ils enchantent naturellement de leur présence.

Texte: Marlène François 

Photos : Association des Hommes d’argile